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Héros et victimes
Article mis en ligne le 24 mars 2018
dernière modification le 27 juin 2022

par Nghia NGUYEN

 

Héros de toujours (1)

Les hauts faits et les exemples sortant de l’ordinaire interrogent l’Humanité depuis l’Antiquité. Mythologie et panthéons païens, martyrs et sainteté chrétienne, chansons de geste médiévales, cinéma hollywoodien… Les héros sont de toutes les époques quand bien même sont-ils réels ou fictifs et accompagnés d’anti-héros.

Dans la mythologie, les héros ne sont jamais loin des Dieux sans pour autant se confondre avec ces derniers. Leur force et leurs actions sortent cependant de l’ordinaire, frappent les esprits et les placent au-dessus du commun des mortels avec qui, cependant, ils partagent la mortalité. Hercule, Achille, Siegfried périssent, et leur mort restitue cette inestimable part d’humanité sans laquelle ils nous apparaîtraient inaccessibles.

Ainsi, les héros témoignent-ils de valeurs profondément humaines. La force d’abord mais une force mise au service de ce qui est perçu d’époque en époque comme le Bien : la lutte contre un mal qui frappe les hommes ou la défense de ceux qui ne peuvent justement pas se défendre. Certes, la force peut dans un premier temps servir la gloire individuelle par les exploits guerriers qu’elle permet, mais elle n’en est pas moins fondatrice de l’héroïsme par le courage et le dépassement que lesdits exploits réclament.

Le courage est donc inhérent au comportement du héros, mais il ne suffit pas à lui seul à définir ce qu’est un héros. La vie de tous les jours nous montrera ainsi une somme d’actions courageuses dans tous les domaines de la part d’un grand nombre. Si méritantes soient-elles ces actions n’en seront pas pour autant des actions héroïques, ce que notre époque ne perçoit plus du fond de ses confusions intellectuelles et morales.

La victimisation n’est pas l’héroïsme

Ainsi l’héroïsation sera-t-elle, de nos jours, attribuée assez facilement à un sportif réalisant tel ou tel exploit physique, à celui ou celle qui entreprendra une action philanthropique ou qui volera au secours d’une personne en danger. La mise en scène médiatique de ces faits leur donnera d’emblée une dimension quasi universelle, comme si nos contemporains pourtant prompts à moquer l’héritage de « l’ancien monde » ressentaient malgré tout au fond d’eux-mêmes la valeur (la nécessité ?) d’une force courageuse et d’une force juste.

Pétrie de bons sentiments hérités d’une anthropologie chrétienne et humaniste pluriséculaire mais pervertie par les idéologies modernes, notre société vit un désarmement moral qui l’éloigne de l’héroïsme comme en témoigne cette confusion systématique entre les héros et les victimes. Il n’y a que de nos jours que se pose la question de l’érection de mémoriaux pour des victimes d’accidents ou d’attentats à la manière des monuments aux morts des guerres du passé. Dans le traitement médiatique des catastrophes humaines, ce sera désormais davantage la victimisation et sa complaisance qui l’emporteront sur l’action volontaire de ceux qui défendent, protègent ou sauvent.

Celui qui sauve une vie le fait volontairement, parfois au péril de sa propre existence, mais cela relève bien souvent du hasard et de la spontanéité. Quant aux soldats tombés pour la Patrie, ils ne sont pas tous partis volontairement à la guerre, et nombre de blessés et de tués pendant les conflits ne l’ont pas été dans les combats. Ces exemples entrent pourtant - mais à des degrés divers - dans l’héroïsme car ils relèvent d’un sacrifice conscient et plus ou moins consenti. Il n’en est pas de même pour la victime qui - si cruel soit son destin - ne demande rien, et n’accomplit rien non plus qui exigerait qu’elle se sacrifie et meurt. Seul un hasard malheureux l’expose.

Celui qui se jette à l’eau, s’interpose ou agit de quelque manière pour sauver son prochain est, incontestablement un héros. Il fait le choix d’agir pour sauver et c’est déjà en soi un geste inestimable. Fruit du hasard, spontané et individuel, il n’en reflète pas moins un rapport au Bien et au Mal, une conception morale du juste et de l’injuste, de la vie et de la mort, de Nous et de l’Autre. D’aucuns appelleraient cela la Morale qu’elle soit philosophique ou religieuse. Une manière d’être que beaucoup ne parviendraient pas à conceptualiser ni à définir ni à expliquer, à commencer par les héros eux-mêmes. Combien avouent, en effet, avoir agi "instinctivement", sans avoir réfléchi particulièrement, "parce qu’il fallait le faire" sans se poser de questions ? Partant, nombre d’entre eux affirment également ne pas se percevoir comme des... héros. La modestie comme l’humilité sont très certainement filles de l’héroïsme.

Expliquer n’est cependant pas l’essentiel pour qui vit ces rapports au plus profond ; suffisamment pour lui donner cette boussole indiquant le chemin du dépassement de soi. Si cette boussole n’existait pas, nous ne pourrions nous poser la question du pourquoi risquer ce que nous n’avons qu’une fois. Il n’y a pas d’héroïsme sans transcendance : cet inexplicable qui, dans un contexte donné, peut amener au sacrifice de sa propre vie. L’héroïsme inspire, donc, ce qu’il y a de plus haut en chaque être humain et nie, par conséquent, la désespérance en l’Humanité.

L’héroïsme : une nécessité

On l’aura compris, c’est en particulier dans l’Esprit de défense que l’on trouvera aujourd’hui cet héroïsme si spécifique aux métiers de la Défense et de la sécurité collective. Si tous les acteurs de la Défense et de la sécurité ne sont pas des héros, ils le sont virtuellement et potentiellement du fait de leur engagement et de la finalité de leur choix, qui est de servir et de défendre en connaissance de cause. Aucun contrat d’entreprise ne demandera à un employé qu’il aille risquer sa vie par principe pour une Idée. Quand bien même cette dernière désignerait l’abstraction qu’est la France, ou les intérêts supérieurs de la Nation, ou encore la protection du Bien commun. Aucun salaire ne justifierait non plus une telle demande de risque et de sacrifice.

Un choix volontaire, donc, que l’on qualifiera d’engagement. Une multitude d’engagements qui ne feront, in fine, qu’un seul Engagement inscrit dans une dimension collective et la transcendance induite. La capacité à se sacrifier pour le plus grand nombre en sera le témoin le plus direct. « Tombé au champ d’honneur », « mort pour la France », « mort pour la Patrie »… Les expressions sont multiples et elles renvoient à une seule et même réalité : celle de nos héros quelle que soit l’époque. Elles disent aussi et surtout que l’homme ou la femme qui meure ne s’appartient plus, qu’il n’appartient même plus à sa famille mais désormais c’est à la Nation qu’il est. De nos jours, les héros sont par essence les militaires, les policiers, les pompiers, les sauveteurs de métier : celles et ceux qui défendent, protègent et sauvent mais au péril de leur vie, acceptant l’idée du sacrifice de leur propre vie.

L’attaque terroriste perpétrée le vendredi 23 mars 2018 entre Carcassonne et Trèbes par le djihadiste franco-marocain Radouane LAKDIM, et revendiquée par l’État islamique, a tué quatre personnes mais il n’y a eu que trois victimes seulement : Jean MAZIÈRES, Christian MEDVES et Hervé SOSNA qui ont eu le malheur de croiser fortuitement, et au mauvais endroit, le tueur islamiste. Il n’en est pas de même pour la quatrième personne. En allant à la rencontre du terroriste, afin de se proposer en échange d’une otage dans le Super U de Trèbes, le Lieutenant-colonel de Gendarmerie Arnaud BELTRAME a été abattu mais il a permis de gagner du temps et de sauver une vie voire d’autres vies.

Il se trouvera toujours des esprits obscurcis pour affirmer que « c’était son métier », « qu’il s’était engagé donc il savait les risques », « qu’il avait choisi et que cela faisait partie de son contrat », que le gendarme était à sa place… Au-delà des haines idéologiques, de l’absence d’empathie, de l’inhumanité, il sera effectivement rappelé la démarche volontaire de l’officier, son sens du devoir et le courage que cela a dû lui demander. Autant de réalités consubstantielles à l’héroïsme qui n’excluent pas, loin de là, la conscience du danger, la peur, la très forte envie de continuer à vivre après cet événement (2).

Voilà pourquoi le Lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME n’est pas une victime mais qu’il est un héros.

__________

  1. Cf. REDEKER (Robert), "L’héroïsme n’est pas mort", in Le Figaro, 29 mai 2018.
  2. Le Lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME devait se marier religieusement avec Marielle le 9 juin 2018 à Vannes. Dans une lettre émouvante, le Père Jean-Baptiste, Chanoine de l’abbaye de Lagrasse, raconte sa rencontre avec Arnaud et Marielle ainsi que leur accompagnement spirituel. Il était présent auprès du gendarme lors de ses derniers instants, et lui donna le dernier sacrement.

Le mercredi 28 mars 2018, le Président Emmanuel MACRON rend hommage au Colonel Arnaud BELTRAME dans la Cour d’Honneur des Invalides (source - Christophe ENA/AP)

(Source - François BOUCHON, Le Figaro)

 

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