La réserve opérationnelle est un vivier de civils formés et aptes à être engagés dans des missions de terrain durant un certain nombre de jours dans l’année. Elle permet de fournir un renfort ponctuel ; de libérer des professionnels afin que ces derniers puissent être mieux utilisés dans leur coeur de métier ; voire d’apporter dans certains cas des compétences extérieures à ce coeur de métier. Plusieurs institutions en ont adopté le principe à commencer par les armées mais aussi, plus récemment, les acteurs de la sécurité civile puisqu’il existe de nos jours une réserve sanitaire et qu’il n’est pas rare non plus de rencontrer des sapeurs-pompiers réservistes.
En matière de sûreté intérieure, seule la Gendarmerie nationale jusqu’à présent – aidée en cela par sa culture militaire – organisait une réserve opérationnelle de 53 000 membres. La Police nationale était donc la dernière grande institution à ne pas disposer de réservistes mais cette situation est désormais révolue. Le titre II de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure permet dorénavant la création d’une réserve opérationnelle spécifiquement dédiée aux forces de la Police nationale. Une première promotion de policiers réservistes a donc commencé sa formation à Lognes (Seine-et-Marne) en juillet. Elle devrait être pleinement opérationnelle cet automne.
La formation s’étale sur le temps des vacances scolaires (deux fois 15 jours). Pour cette première, plusieurs dizaines d’hommes et de femmes, âgés entre 18 et 58 ans, ont commencé à être formés aux rudiments du métier de policier : mise en condition physique, cours d’autodéfense, de déontologie, techniques d’interpellation et, surtout, apprentissage du maniement d’un pistolet semi-automatique SIG-Sauer 9 mm. Au cours de ce volet éliminatoire de la formation, les stagiaires tireront chacun 250 coups entre 5 et 10 mètres, apprenant le fonctionnement et la manipulation de l’arme ainsi que les règles de sécurité et d’engagement. À l’issue de cette formation, les nouveaux réservistes de la Police nationale seront affectés au plus près de chez eux pour un service de 90 jours maximum par an. Ils seront déployés sur la voie publique en soutien aux forces d’active, dans les commissariats pour l’accueil mais également dans des opérations de sécurité routière et aux frontières.
Depuis mars 2022 plus de 6800 personnes se sont présentées à cette première sélection. Le Ministère de l’Intérieur espère ainsi amorcer une rapide montée en puissance devant atteindre 30 000 réservistes dans les huit prochaines années. Cette évolution permettra également de communiquer sur le « lien Police-population » et d’infirmer une soi-disant coupure entre la police et les citoyens. À l’image de cet autre « lien Armée-Nation », l’habillage rhétorique du MININT ne pourra cependant cacher que c’est la place même des grandes institutions régaliennes au coeur de la société qui ne va plus de soi si tant est que Police et Armée sont l’émanation de la Nation et non des corps étrangers dont il faudrait régulièrement justifier le lien organique avec celle-ci.
Surtout, la création d’une réserve opérationnelle en soutien à la Police nationale traduit en creux une usure préoccupante des forces de sûreté intérieure à laquelle les actuelles polices nationale et municipales comme de Gendarmerie peinent à faire face. Que ce soit « en mission », « en service » ou « agressés » ce sont près de 10 000 agents qui chaque année sont blessés sans parler de ceux qui décèdent (1). La mesure est donc à observer à l’aune de l’ensauvagement de la société et de la violence désormais quasi systématique envers les policiers et les gendarmes. Ces derniers, non seulement, ne sont plus respectés mais ils ne sont plus craints voire sont désormais considérés, dans de trop nombreux quartiers, comme une bande rivale à qui il faut disputer un périmètre ou un territoire. Sur fond d’islamisme et d’immigration, le narcotrafic gangrène le pays, ses villes, ses banlieues et aujourd’hui des campagnes que l’on pouvait penser encore préservées il y a peu (2).
Le point de non-retour est-il atteint ? S’il est difficile de répondre à cette question, elle ne peut être écartée nonobstant ceux qui se réfugient encore dans le déni (3) et continuent de penser que la société d’aujourd’hui n’est pas plus violente que celle d’hier (4). Les faits parlent d’eux-mêmes lorsque l’on observe, par exemple, à quoi pouvait ressembler la tenue et l’armement d’un gardien de la paix dans les années 1970 par rapport à ceux déployés par les policiers aujourd’hui. Il y a des signaux qui ne peuvent être ignorés. La création d’une réserve opérationnelle au sein de la Police nationale en fait partie au même titre que la récente militarisation de l’entraînement des PSIG (5).
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