Une colonne de chars Tigre I dans les environs de Kharkov
La menace d’encerclement du Groupe d’Armées Sud
L’agonie de la VIe Armée dans Stalingrad ne laisse aucun répit à la Wehrmacht. Après plus d’une année de féroces combats et de défaites meurtrières, Joseph STALINE (1878-1953) et ses généraux entrevoient un formidable retournement de situation en cet hiver 1942-1943. Non seulement la VIe Armée est perdue après l’échec de l’opération de secours Wintergewitter menée par le Maréchal Erich von MANSTEIN (1887-1973), mais ce dernier est menacé à son tour par toute une série d’offensives soviétiques dont l’objectif – au-delà de Stalingrad – est d’encercler le Groupe d’armées Sud engagé en direction du Caucase depuis plusieurs mois. Au moment où le verrou de Stalingrad cède sous les coups de l’Armée rouge, le dispositif allemand est en effet très étiré vers le sud.
L’occasion stratégique de se rabattre dans cette direction et d’enfermer tout un Groupe d’armées est trop tentante pour Staline qui ordonne alors une triple offensive en direction de l’ouest. La première vient du sud et exerce une pression en direction de la région de Rostov et de la Mer d’Azov. La deuxième est centrale. Elle vise la région du bas Dniepr, et la ville industrielle de Kharkov se situe sur son axe (1). Plus au nord, une troisième offensive a pour objectif de libérer la région de Koursk/Smolensk. La pression générale devrait repousser les Allemands au-delà du fleuve Dniepr, tout en permettant de reproduire un nouvel encerclement bien plus vaste que celui de Stalingrad. Non pas une mais plusieurs armées allemandes seraient dès lors prises dans la nasse, ce qui accélèrerait sensiblement la libération du territoire soviétique.
Un encerclement qui se retourne contre les Soviétiques
Cependant, dans l’euphorie de la victoire de Stalingrad, STALINE et son état-major oublient toute prudence. Persuadés que les troupes allemandes, démoralisées, ne pensent qu’à se replier derrière le Dniepr, ils sous-estiment la capacité de réaction de la Wehrmacht d’autant plus que celle-ci est encore commandée par l’un de ses chefs les plus talentueux : MANSTEIN. Par un temps épouvantable, les Soviétiques attaquent à tout prix, détruisant les armées alliées du Reich : Italiens, Hongrois, Roumains. Leur progression est fulgurante et dessine une vaste poche dans le dispositif allemand. Celui-ci se creuse dangereusement, mais les forces qui retraitaient du sud vers nord depuis le Caucase (XVIIe Armée) sont cependant sauvées. Le recul allemand oblige à abandonner des villes importantes : Rostov au sud, Koursk au nord, Kharkov au centre… En fait, ce que les généraux de STALINE interprètent comme une débandade est un redoutable piège que MANSTEIN leur tend. Ce dernier opère un basculement de ses forces de part et d’autre des flancs de l’énorme poche qui se dessine, tout en faisant affluer des réserves.
Inversement le recul calculé de MANSTEIN (2) attire un grand nombre d’unités adverses dans la poche qui se crée tout en allongeant de manière sensible leurs lignes de ravitaillement, ce en plein hiver. Cette élongation des offensives soviétiques, déployées en un trop large éventail, se conjugue à l’épuisement des combats et finit par inverser les rôles. Désormais ce sont les forces de l’Armée rouge – notamment celles des généraux VATOUTINE et GOLIKOV – qui sont dispersées, épuisées, en sous-effectif humain comme matériel du fait de leur trop rapide progression (3).
SS de la 3e Panzergrenadierdivision Totenkopf entrant dans Kharkov
La dernière grande victoire de la Wehrmacht à l’Est
C’est ce moment que choisit MANSTEIN pour lancer sa contre-offensive dans la région de Kharkov. Avec Bielgorod, Kharkov sera le centre de gravité de la bataille dont l’objectif – hormis la reprise des deux villes – est l’encerclement et la destruction des forces russes. En abandonnant Kharkov quelques semaines auparavant, nonobstant les ordres de HITLER, MANSTEIN avait sauvé le IIe SS-Panzerkorps d’un encerclement fatal. Lorsqu’il reprend l’initiative ce 22 février 1943, il a en main le meilleur de l’Armée allemande du moment, à savoir cette grande unité commandée par le SS-Obergruppenführer Paul HAUSSER qui dispose des divisions blindées SS les plus aguerries et les plus dangereuses (4).
Dans un mouvement de tenaille bien coordonné, MANSTEIN surprend VATOUTINE et GOLIKOV dont les corps blindés sont anéantis. Sur un relief plat et dans un paysage hivernal, les panzer trouvent un terrain de prédilection à la manœuvre et au combat. Les canons à longue portée des chars Tigre font un carnage, détruisant 615 véhicules blindés russes. Les généraux soviétiques perdent 23 000 hommes auxquels il faut ajouter 9000 prisonniers. Défaits et repoussés au-delà du Donetz, ils ne sont sauvés que par la faiblesse des moyens allemands qui ne peuvent pratiquer un encerclement total et hermétique. Kharkov est reprise par MANSTEIN le 15 mars après un combat urbain de quelques jours.
Manœuvre de grand style de la part d’un chef de guerre particulièrement brillant, la quatrième bataille de Kharkov montre combien la Wehrmacht est restée combative et dangereuse, y compris dans des situations désespérées. Habilement exploitée par la propagande nazie, cette bataille ne reste cependant qu’un succès tactique sans lendemain. Dernière grande victoire allemande sur le Front de l’Est, la quatrième bataille de Kharkov ne peut compenser tout ce qui a été perdu aux plans humain et matériel à Stalingrad. Au plan des symboles également.
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Bibliographie