PAPPERT (Aloysius), Mémoires de guerre, Éditions Salvator, 2019, 142 p.
Le récit d’Aloysius PAPPERT – aujourd’hui âgé de 93 ans – s’inscrit dans la liste des témoignages de ceux qui ont vécu la Deuxième Guerre mondiale du côté allemand. Non ceux des MANSTEIN, GUDERIAN, RAEDER ou autres acteurs de premier plan dont les mémoires ont permis aux historiens d’écrire le récit général du conflit. Les mémoires de PAPPERT ne sont pas celles d’un officier général. Elles renvoient à l’expérience combattante des anonymes et des gradés subalternes qui, lorsqu’ils ont la chance de savoir écrire et exprimer, nous livrent le théâtre de la guerre et de sa cruauté avec une profondeur humaine que l’on ne trouve pas au-dessus des cartes dessinant les mouvements d’unités. Guy SAJER (1) et August von KAGENECK (2) avaient déjà tracé la voie de cette écriture avec cette même convergence : ils avaient combattu sur le front russe, dans les rangs de la Wehrmacht.
L’histoire que nous raconte Aloysius PAPPERT s’articule en deux ouvrages. Le premier – « Jeunesse volée » - retrace les débuts de l’auteur sous le régime nazi. Celui-ci n’échappe pas à la mainmise hitlérienne sur la jeunesse allemande, mais il est encore trop jeune pour servir comme soldat lorsque la guerre éclate. Jusqu’en 1942, il est employé dans le Service national du travail (Reichsarbeitsdienst), participant à des travaux de terrassement sur le front russe à l’arrière des armées. À cette date, l’étendue des pertes allemandes en Russie ainsi que l’arrivée de sa classe (1924) à l’âge du service militaire entraînent son transfert dans l’Armée allemande. Entraîné en France, PAPPERT est envoyé au combat en Italie où il est fait prisonnier par les Américains. Il s’évade (3) et reprend le combat avant d’être blessé. La valeur d’Aloysius PAPPERT est reconnue : en dépit de son jeune âge il est, en 1944, feldwebel (adjudant), et est promu officier à la fin de la même année. La guerre se termine pour lui en Silésie, où il est capturé par les Américains et livré aux Soviétiques.
La seconde partie des mémoires – « Le sang des prisonniers » - raconte sa période de captivité dans un camp soviétique. Elle n’est pas longue puisque PAPPERT est libéré dès la fin de l’année 1946, mais elle est particulièrement éprouvante. Privations, travaux forcés, maltraitances de toutes sortes, exécutions… Selon les historiens, entre 700 000 et un peu plus de 1 million de prisonniers de guerre allemands moururent dans les goulags. C’est durant cette période que l’auteur fut témoin d’une exécution massive de volontaires de l’armée VLASSOV (4). De retour en Allemagne, PAPPERT a 22 ans mais l’expérience de la guerre lui a « volé sa jeunesse ». Cependant, bien plus qu’une expérience combattante à la SAJER, c’est celle du totalitarisme qu’il décrit à travers ses deux livres.
Le récit est d’autant plus poignant qu’il est écrit par un anti-nazi et un catholique dont la foi et la conscience sont durement éprouvées par la double violence du nazisme et de la guerre. L’auteur ne fut pas un nazi de la première heure dessillé par les horreurs de la guerre. Son opposition fondamentale au national-socialisme tient à l’éducation reçue, et à l’influence d’un père pour qui « le respect et les dix commandements » étaient au-dessus de tout. PAPPERT a vécu sa foi sous les terreurs hitlérienne et stalinienne, au sein de communautés idéologiques, athées, brutalisées, et au cœur d’une guerre totale sans jamais renoncer à Dieu. En ce sens, il est plus proche d’un KAGENECK que d’un SAJER ; des résistants de la Rose blanche que d’un STAUFFENBERG.
L’histoire d’Aloysius PAPPERT se lit comme un témoignage historique et un roman de guerre qui, au fond, ne sont pas exceptionnels en soi. La dimension spirituelle de son cheminement confrontée aux deux grands totalitarismes du XXe siècle est en revanche plus originale. La force de la prière érigée en protection ultime face à la terreur et à la violence ne pouvait qu’inspirer la belle préface que l’Abbé Pierre-Hervé GROSJEAN lui dédie.
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