Cet article a été écrit le 6 novembre 2011.
On ne se lasse pas de regarder et d’écouter ces histoires qui nous plongent dans le monde où sont sélectionnés les hommes des corps d’élite : des aspirants à l’Aéronavale à ceux du GIGN. Quelle que soit la mission attendue de ces hommes durement triés sur le volet, il est toujours question du recours à ces forces qui dorment en chacun de nous, mais dont si peu parviennent à trouver le chemin. Du documentaire à la fiction, Stéphane RYBOJAD s’est beaucoup intéressé à l’univers des commandos Marine, portant au petit comme au grand écran deux histoires dont le fil conducteur est à la fois celui d’une unité des forces spéciales et celui d’un destin particulier : l’instructeur commando « Marius » aujourd’hui rendu à la vie civile (1).
« À l’école des Bérets verts » (2)
De dépassement de soi, il en est largement question dans le film documentaire de Stéphane RYBOJAD et de Thierry MARRO – « À l’école des Bérets verts » - dont le sujet s’intéresse à la sélection des commandos Marine. Sur une trentaine de candidats, une dizaine seulement ira jusqu’au bout des neuf semaines de stage (3), qui rappeleront à bien des égards la formation des US Navy SEAL.
Résistance physique et force mentale, confiance en soi, sont testées en permanence pour des candidats âgés en moyenne de vingt ans. Effort physique permanent, privation de sommeil, stress, omniprésence de l’élément aquatique, le film montre le chemin d’épreuve à vouloir un jour porter fièrement le béret vert. Une coiffure que les commandos Marine inclinent sur la droite et non sur la gauche contrairement à l’usage dans l’Armée française.
Cette particularité dans le port de l’uniforme - qui les distingue des autres bérets verts de nos forces armées (les légionnaires) - tient à l’existence récente des commandos Marine. Forgés dans le feu de la Deuxième Guerre mondiale, à partir d’éléments rescapés de fusiliers marins, ils ont emprunté au modèle des commandos et Royal marines britanniques. Entraînés et commandés par le légendaire Capitaine de corvette Philippe KIEFFER, ils sont les seuls soldats français à participer au débarquement du 6 juin 1944 en Normandie où 10 d’entre eux tomberont sur les 178 engagés dans la bataille.
Aujourd’hui, les commandos Marine constituent une troupe d’élite de la Marine nationale à part entière, rattachée à ce que l’on appelle de manière générique, les forces spéciales. Leurs missions sont variées, et vont de la reconnaissance amphibie et terrestre à la protection d’ambassades en passant par l’exfiltration et la protection de ressortissants français, la destruction et le sabotage, les interventions en mer (piraterie, terrorisme, narco-trafic…). Ils sont organisés en six grandes unités : les commandos Jaubert, Trepel, de Monfort, de Penfentenyo, Kieffer et Hubert. Tous sont basés à Lorient à l’exception du dernier qui est stationné à Saint-Mandrier. Chaque unité de commando Marine - une centaine d’hommes environ - est spécialisée dans une mission.
Le documentaire de Stéphane RYBOJAD et de Thierry MARRO nous montre des jeunes hommes simples et humbles, sachant prendre du recul au milieu d’épreuves extrêmes, et qui révèlent un courage physique ainsi qu’une fraternité d’armes laissant présager la qualité des combattants qu’ils seront bientôt. Leur instructeur, le Premier maître « Marius », est une véritable légende dans le milieu. Omniprésent, dur mais franc et juste, il décrit ses stagiaires comme sa famille et ses enfants, leur recommandant en permanence, et non sans humour, ses deux médicaments préférés : le « motivex » (pour la motivation) et la « moraline » (pour le moral).
Avec la remise des bérets verts, on imagine sans peine la fierté et le sentiment d’accomplissement des jeunes commandos. Pourtant, cette cérémonie marque davantage un commencement qu’un aboutissement. C’est l’histoire d’une grande aventure humaine qui débute, et c’est aussi une renaissance qui trouvera sa finalité dans une vie d’engagements et de missions au plus haut niveau.
Le film « Forces spéciales » (2011)
Pénétré par cet univers commando Marine, Stéphane RYBOJAD a décidé de prolonger sa narration dans une fiction, sortie au cinéma le 2 novembre 2011. D’emblée, le film « Forces spéciales » comporte une double originalité : il est un film de guerre et il met en scène Marius dans son propre rôle de commando Marine.
Le film de guerre n’est pas une originalité en tant que tel. Le scénario de « Forces spéciales » reste au demeurant très classique, son réalisateur ayant voulu mettre en images une histoire d’aventure et d’action sur un schéma connu de sacrifice et de fraternité d’armes. Il est ainsi question de l’action menée par un groupe de forces spéciales françaises dont la mission est de retrouver et de libérer une journaliste capturée par les Taliban, et menacée d’être exécutée. Le cadre dans lequel se déroule cette mission de la dernière chance pour sauver Elsa Casanova (4) est celui des zones tribales pakistanaises, et les scènes de combat sont dignes des meilleurs films hollywodiens du genre.
La véritable originalité tient dans le fait que « Forces spéciales » est un film de guerre français techniquement réalisé avec de vrais moyens militaires, et à partir de missions opérationnelles en cours (5). Il a aussi été réalisé selon des standards cinématographiques qui n’ont rien à envier aux meilleurs films américains du genre, le tout pour un budget modeste de 7,7 millions d’euros. Dans le paysage cinématographique français – et à l’exception des « Chevaliers du ciel » de Gérard PIRÈS (2005) et de « L’assaut » de Julien LECLERCQ (2011) qui ne sont pas des films de guerre - ce type de production est jusqu’à présent unique.
Surtout « Forces spéciales » traite d’un événement encore en cours, et sa démarche comme son ton tranchent avec ce qui a pu se filmer dans notre pays sur les guerres du passé, notamment coloniales. Stéphane RYBOJAD l’exprime d’ailleurs clairement : son film est un hommage aux soldats français tombés en Afghanistan (6). Marius qui passe avec le même uniforme de l’instructeur commando au personnage du commando est d’ailleurs « tué » dans l’action du film.
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Références