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Lola (octobre 2022)
Article mis en ligne le 25 octobre 2022

par Nghia NGUYEN

Le vendredi 14 octobre 2022, Lola (12 ans) était assassinée, à Paris, dans des conditions particulièrement sordides. La sauvagerie de l’acte a d’autant plus traumatisé l’opinion publique qu’elle a mise en lumière Dhabia B. - la principale suspecte -, une Algérienne de 24 ans frappée d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) non respectée. Dans une tribune (1), Céline PINA montre que l’affaire n’est pas réductible à un fait divers. Elle explique à la fois l’émotion populaire provoquée et le sens profond à donner à cet horrible événement ; les deux réactions étant par ailleurs liées nonobstant la volatilité de la première. Pour la journaliste (2), essayiste et militante, ancienne élue de gauche, le drame de Lola est révélateur d’une société en voie de tribalisation et d’ensauvagement sur fond d’impuissance et de paralysie du pouvoir politique.

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Le Figaro - Ce crime doit-il être considéré comme un nouveau « fait divers » ou est-il le symptôme d’un malaise français plus profond ? A-t-on franchi un cap dans la barbarie ?

Céline PINA - L’horreur du calvaire qu’a dû vivre cet enfant, le fait que les atrocités se soient déroulées en journée, à Paris, le fait que l’auteur présumée de l’acte soit une nouvelle fois une personne étrangère en situation irrégulière et sous le coup d’une OQTF, tous ces éléments font que derrière le caractère particulier de ce meurtre, on retrouve des éléments récurrents qui renvoient à d’autres affaires : le meurtre en 2017 de deux jeunes filles dans la gare de Marseille, celui du père Olivier Maire en Vendée. On se souvient plus récemment du refus d’obtempérer à Grenoble, qui a abouti à la mort de la passagère de 18 ans : le conducteur était également sous le coup d’une OQTF, comme celui qui a poignardé deux femmes à Bayonne. Ce n’est pas l’ampleur des atrocités commises qui fait qu’un fait divers devient un fait de société, c’est qu’il réveille en nous le souvenir d’autres affaires et nous fait rentrer dans la représentation d’un continuum de violence qui nous donne la conviction d’une société en train de se défaire. C’est l’accumulation de faits divers, la récurrence des violences et l’identité de certains éléments qui font passer ce type de crime de la rubrique fait divers à celui des faits de société. Un fait divers est exceptionnel, un fait de société est révélateur, il est particulier mais renvoie à un phénomène plus général, il appelle également une réaction politique.

Ici, c’est la montée de la barbarie pure dans nos sociétés jusqu’alors relativement apaisées et le fait que celles-ci apparaissent souvent comme liées à l’immigration. Non que nos sociétés aient été auparavant exemptes de crimes odieux, ou que l’existence d’une immigration régulière et irrégulière soit nouvelle. En revanche ce qui apparaît comme nouveau est l’ultraviolence de nombreux crimes et l’impossible assimilation des auteurs. Cela parle aussi de la déshumanisation des victimes par leurs agresseurs, une déshumanisation ou un rabaissement qui peut être lié à des logiques culturelles dans les sociétés d’origine où les inégalités sont de mise et où la violence que l’on exerce est un acte de domination, une forme d’affirmation de soi. En face le fait que la violence légitime (c’est-à-dire celle que l’État a seul le droit d’exercer dans le cadre de l’état de droit et afin de maintenir l’ordre public et la paix civile) soit contestée et qu’une partie de l’échiquier politique, à gauche, traite la police d’assassins, paralyse un État plutôt faible. Ses lois paraissent en partie inadaptées aux nouveaux enjeux qu’il affronte en matière de sécurité comme d’immigration.

  • Le crime n’a pas fait d’emblée la une de tous les journaux… Qu’est-ce que cela nous apprend sur notre seuil de tolérance collectif à la violence ?

On vient de rendre hommage à Samuel Paty. Le crime dont il a été victime était particulièrement atroce et pourtant il n’y a pas eu un « avant » et un « après ». En 2012, quand Mohamed Merah a tiré dans la tête d’une petite fille à bout touchant et abattu deux enfants de 4 et 5 ans et leur père, cela n’a même pas bouleversé le pays. Il en sera probablement de même pour ce qui est arrivé à la petite Lola. L’émotion des gens est réelle, mais amener une prise de conscience et une action politique est une autre affaire. Pourtant l’émotion que ressentent les Français est une forme d’identification. Ils pensent qu’aujourd’hui cela pourrait arriver à leur enfant. L’affaire du petit Gregory était bouleversante, mais elle ne paraissait pas reproductible. Elle semblait liée à un contexte particulier. Là le côté gratuit du meurtre et des faits de torture montre un assassin dont la haine paraissait chercher n’importe quel objet pour exercer sa furie. Même une enfant.

Faute de place dans les prisons et dans les asiles psychiatriques, beaucoup de personnes potentiellement dangereuses vivent hors de tout cadre, mais de cela pas grand monde n’est conscient. En revanche, ce que tout le monde ressent c’est la montée de la haine et du mépris à travers la montée des discours radicaux. Les islamistes désignent tout ce qui n’est pas eux comme des cibles potentielles, les racialistes désignent les Blancs comme des cibles potentielles, les gauchistes expliquent que l’État est raciste donc illégitime… Déshumaniser l’adversaire, le diaboliser est devenu une base dans le débat public et cela a des conséquences. Avec les attentats et les plus de 300 personnes massacrées sur notre sol par le terrorisme islamiste, nous nous sommes habitués à l’horreur et à la barbarie. Et surtout nous n’avons pas d’autres choix que de nous y habituer ou de refouler notre peur : les islamistes continuent à exercer leur influence en France, l’école ne sait toujours pas résister aux violences et incidents qui se multiplient, le nombre d’affaires concernant des gens sous OQTF explose mais on est toujours aussi laxiste vis-à-vis des pays qui ne reprennent pas leurs ressortissants. La question du droit du sol et d’une meilleure maîtrise de notre politique d’immigration n’est pas posée… Bref rien n’est fait au niveau politique pour que cette barbarie soit vraiment combattue. Mickaelle Paty a dit une chose très juste lors de son discours à la Sorbonne en l’honneur de son frère, « Tant que rien ne change, c’est que rien n’est fait », alors on serre les dents et on baisse la tête parce que quand la tolérance à la violence devient une habitude, c’est que l’on pense que cette violence n’est pas près de diminuer.

  • En tant que mère, cela vous inquiète-t-il sur le monde dans lequel grandiront vos enfants et petits-enfants ?

Bien sûr. J’ai le sentiment de les avoir jetés dans un monde en train de s’effondrer. J’ai l’impression parfois d’être dans le chapitre inaugural d’une dystopie où tous les acquis civilisationnels sont en train de disparaître parce qu’il n’y a plus personne pour les incarner véritablement et que les périls, eux, ne cessent de croître. Ce que je trouve triste c’est que les idéaux qui fondent notre culture et notre civilisation sont beaux et qu’ils sont piétinés par des barbares qui n’ont aucun projet de société viable. Je ne comprends pas pourquoi ni comment la plupart de nos représentants sont incapables de défendre ce que nous sommes et semblent paralysés par le risque d’être traités de racistes ou de fascistes. Je m’interroge sur ce que je dois transmettre à mes enfants. Jeune j’étais pleine de confiance en l’avenir, fière d’être française et consciente de la chance que j’avais d’être née et de vivre en Europe. Je ne me voyais pas dans un monde en déclin, dans un crépuscule de civilisation. Je me dis aussi que le pire n’est jamais sûr et que les hommes ont bien des ressources, que l’on est aussi l’enfant de son temps et que mes enfants sauront peut-être redécouvrir nos trésors civilisationnels et humains. Ils arriveront peut-être à les faire vivre là où nous nous sommes contentés d’y voir un cadre et avons oublié qu’ils étaient censés être la source de notre société politique. Souhaitons-leur d’être plus à la hauteur que nous le sommes actuellement.

  • N’est-il pas également le signe d’un éclatement de la société, qui se manifeste par le manque d’empathie et la cruauté ?

De tels meurtres réveillent en tout cas le sentiment que nous abritons des monstres en notre sein. Quand il a un caractère unique, ce constat reste philosophique, quand il s’inscrit dans une montée de la violence sur les personnes, il peut effectivement parler d’un effondrement collectif. La destruction d’un idéal politique fondé sur la nation en tant que projet collectif, histoire partagée et principes inspirants est en train de donner naissance sur notre sol à une société tribale. Or dans une telle société, le Bien et le Mal n’existent pas, il y a le clan et les autres clans. Est bien ce qui est bon pour le clan, mal ce qui est mauvais. Il n’y a pas de lien à l’altérité. La logique est binaire, il y a les miens et les autres. Aux miens je dois tout, aux autres, rien. Il n’y a pas d’universalisme dans ce type de société. Ce qui n’appartient pas au clan est déshumanisé, au mieux il est ignoré, au pire, il est une proie. Ce qui est sûr c’est que la résonance que ce meurtre a dans la psyché collective dit que consciemment ou inconsciemment, les Français pensent que la violence gratuite ne va pas diminuer, qu’elle est un fait de société et un risque du quotidien.

Par Eugénie Boilait

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  1. BOILAIT (Eugénie), "Le meurtre de Lola révèle la disparition de tous les acquis civilisationnels", in Le Figaro, 19 octobre 2022.
  2. Céline PINA est journaliste chez Causeur.

 

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