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Arnaud Beltrame, les Français et leur armée

PERRAULT (Guillaume), « Arnaud Beltrame, les Français et leur armée », in Le Figaro, 27 mars 2018.

Article mis en ligne le 28 mars 2018
dernière modification le 11 novembre 2020

par Nghia NGUYEN

Face à la menace islamiste, l’armée apparaît aux yeux des Français comme le dernier des remparts.

La France est en deuil. L’hommage national rendu mercredi au lieutenant-colonel Arnaud Beltrame est à la mesure de l’admiration suscitée par son sacrifice, digne des plus hautes figures tant militaires que chrétiennes. Les contemporains que n’ont pas déserté toute délicatesse se sentent, soudain, presque honteux de mener leur petite vie tranquille au regard d’un tel exemple.

Des mots que les Français ne voulaient plus entendre - très belle conduite au feu, homme magnifique qui a fait son devoir jusqu’au bout, officier ayant montré un superbe mépris du danger — ressuscitent des livres d’histoire et nous somment d’observer un silence respectueux. La France entière s’incline devant la dépouille d’un soldat. On songe à Ernst Jünger dans Sur les falaises de marbre : « les plus grands seulement d’entre nous pénètrent jusqu’au foyer même de l’épouvante. Ils savent que toutes ces images ne vivent que dans notre cœur, et s’avancent, parmi elles, comme parmi des reflets sans substance, vers de fières portes triomphales ».

Indifférence, incompréhension ou curiosité

Mesurons le chemin parcouru. Le soldat, hier encore, était perçu comme un être insolite qui faisait se retourner les passants dans la rue. Il faisait figure de dernier des Mohicans, d’étranger à son siècle voire, dans les milieux antimilitaristes, de reproche vivant et de réprouvé. Les plus charitables considéraient le soldat comme le témoin d’un passé révolu à mesure que, après 1962, la possibilité d’une guerre affectant les Français dans leur vie quotidienne disparaissait de l’horizon. Lucien Bodard dans La Guerre d’Indochine, Pierre Schoendoerffer dans romans et films tels Le Crabe-Tambour, ont admirablement dépeint les tourments de ces hommes en décalage avec leurs compatriotes de métropole. Dans la France des années 1960 et 1970, répudiant le prestige militaire en réaction aux hécatombes passées et épousant les valeurs de la société de consommation, ils finissaient par ne plus parler la même langue.

Non que les Français devinrent tous hostiles à leur armée. Une partie du pays lui marquait toujours de la considération. Et tous nos compatriotes s’émurent lorsque, à Beyrouth, le 23 octobre 1983, un attentat suicide du Hezbollah contre l’immeuble où étaient cantonnés les parachutistes français, le « Drakkar », fit 61 morts et 15 blessés. L’opinion fut bouleversée par la photo d’un soldat français serrant la main, émergeant des décombres, d’un camarade mourant sous des tonnes de pierres.

Il reste que, au quotidien, pour beaucoup, l’armée était surtout perçue comme le symbole de la contrainte de l’État sur l’individu, illustrée par le service militaire obligatoire. On oubliait que la conscription, instituée en 1872, exprimait aussi le lien indéfectible entre le citoyen et le soldat sous la République, à la différence de la monarchie parlementaire britannique, qui a toujours privilégié l’armée de métier. Aussi la suppression du service militaire obligatoire, en 1996, fut-elle accueillie avec soulagement ou résignation.

L’hostilité ou la méfiance envers l’armée ont alors fait place à l’indifférence de beaucoup, sans diminuer pour autant le sentiment d’étrangeté qu’inspirait désormais le soldat. À quoi bon, songeaient nos contemporains, consentir à des sujétions sans exemples ? Point de liberté d’expression, nul syndicat (les officiers n’eurent pas même le droit de vote jusqu’en 1945). Comment comprendre cette volonté de servir chantée jadis par Alfred de Vigny et, si le devoir l’exige, « d’aller au carton » ? Pourquoi, surtout, souffrir d’obéir à des supérieurs que l’on n’estime pas nécessairement, accepter de risquer la mort et, pire encore, de tenir la vie de ses subordonnés entre ses mains ? Questions terribles, il est vrai.

Reste que le retour des mauvais jours, à compter du 11 septembre 2001 et de l’essor du terrorisme islamiste, bouleversa la sensibilité collective. Le spectacle, impensable voilà quelques années encore, des soldats patrouillant dans les rues FAMAS au poing, nous devint familier. Nos compatriotes plébiscitèrent l’armée française, ultime protection du pays, dernier rempart de nos libertés. Et, ce 28 mars, le sacrifice du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame nous incite à entrer en nous-mêmes, le temps de l’hommage national rendu à l’officier tombé pour la France, pour mener notre examen de conscience sur ce que, nous civils et fiers de l’être, sommes devenus.

Guillaume Perrault

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