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Le combat urbain
Article mis en ligne le 5 janvier 2018
dernière modification le 3 mars 2018

par Nghia NGUYEN

Soldat français dans Gao (Mali) le 22 février 2013

 

Le combat urbain (urban warfare) est l’un des grands types de combat d’infanterie avec les combats mécanisé, amphibie, aéroporté, en jungle et en montagne. Cette typologie n’en fait pas pour autant une forme de combat exclusivement réservée à l’infanterie. Si le dernier mot revient à cette dernière, le combat urbain connaît de nos jours une forme interarmes et interarmées particulièrement intégrée, faisant des villes des champs de bataille plus que jamais spécifiques.

L’évolution urbaine de nos jours

Les caractéristiques du champ de bataille urbain tiennent d’abord à la nature des organismes urbains contemporains. Fait historique sans précédent, l’Humanité est devenue majoritairement citadine au tournant des XXe et XXIe siècles. Les villes se sont multipliées au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, gagnant à la fois en taille et en population. Certaines étant devenues de véritables régions urbaines, elles sont désormais appelées « mégapoles » ou « mégalopoles ». Si cette croissance s’est ralentie dans les pays développés, elle demeure encore explosive en Afrique et en Asie et le restera au moins jusqu’au milieu du XXIe siècle.

La concentration des hommes dans les villes n’est pas qu’un phénomène quantitatif. En concentrant les fonctions politiques, administratives, économiques et culturelles ; en polarisant les flux d’investissements et d’informations, la métropolisation est aussi un phénomène qualitatif de premier ordre. Quel que soit le continent, les villes contemporaines n’auront jamais autant organisé les réseaux de toute nature. Matériels ou immatériels, ces derniers structurent l’espace en ses centres comme en ses périphéries, faisant des villes des lieux plus que jamais stratégiques.

Un champ de bataille privilégié de nos jours

Lieux stratégiques depuis l’Antiquité, les villes ont dans l’histoire surtout suscité des campagnes militaires dans leur arrière-pays. Ces campagnes ayant pour objectif soit de provoquer une bataille rangée décisive mais extérieure à la ville en elle-même ; soit de couper celle-ci de tout ravitaillement : étape préliminaire à un siège à plus ou moins long terme. La ville jouait donc le rôle de place forte, et la bataille se résumait davantage à son asphyxie ou à la prise de ses défenses qu’à des combats intra-muros. Massacres, mises à sac et pillages pouvaient se faire, mais ils ne s’apparentaient pas à des combats urbains au sens moderne.

L’époque contemporaine présente une toute autre configuration stratégique. L’espace urbain devient un champ de bataille en tant que tel car il permet – dans un contexte symétrique ou dissymétrique - de fixer des forces adverses importantes et de les user (phénomène d’enlisement). Les grandes batailles urbaines de la Deuxième Guerre mondiale, entre autres, ont pu l’illustrer.

Dans un contexte asymétrique, le combat urbain revêt un intérêt encore plus grand. Hormis des espaces où le réseau urbain est peu important (l’Afghanistan par exemple), la plupart des combats dans lesquels les coalitions occidentales sont engagées, se déroulent aujourd’hui dans des villes. L’espace confiné et dévasté qu’elles présentent annule en partie la puissance technologique de l’assaillant, lui impose un duel tactique quasiment d’homme à homme et rétablit en quelque sorte une relative égalité. Qui plus est, la réalité urbaine est très diverse et selon les caractéristiques géographiques des villes, une force ne pourra pas engager le combat de la même manière avec les mêmes moyens.

Les caractéristiques générales du combat urbain moderne

De nos jours, le champ de bataille urbain offre un spectre de scenarii allant de l’affrontement de haute intensité de type Stalingrad (1942-1943), Grosny (1994-1996) ou Falloujah (2004) à l’affrontement de basse intensité comme à Gao en 2013. On y trouvera également des confrontations armées relevant davantage de la sécurité intérieure : de la manifestation violente à l’affrontement entre milices en passant par la reconquête locale de quartiers mettant aux prises des forces militaires avec des gangs (favelas de Rio).

Dans sa dimension plus spécifiquement militaire, le combat urbain peut se dérouler sous trois dimensions : en surface, dans les airs et en sous-sol si la ville dispose de réseaux souterrains (égouts, métro…). Ce type de combat n’offre pas d’horizon et les secteurs de tir sont beaucoup plus difficiles à définir. Inversement, certaines perspectives (grandes avenues, carrefours dégagés, blocs de bâtiments) permettent des tirs en enfilade particulièrement meurtriers. Quelques tireurs bien placés peuvent bloquer la progression d’unités entières, et occasionner des pertes humaines sans commune mesure avec le rapport de force numérique local.

Le mouvement est entravé par des ruines et des gravats, qui jouent le rôle de masques et présentent autant d’opportunités d’embuscades. Le confinement de l’espace urbain en fait le terrain idéal pour toutes les déceptions permettant des souricières meurtrières. L’environnement urbain est pollué de mines, d’engins explosifs artisanaux (IED) et de pièges de toutes sortes auxquels les combats en Syrie et en Irak ont ajouté des raids suicides avec des véhicules piégés lancés à toute vitesse sur les groupes de combattants adverses. Très difficiles à neutraliser et à éviter, ces véhicules suicides ont exercé un fort effet psychologique sur les troupes irakiennes et syriennes.

Le milieu urbain est également celui des tireurs de précision qui y trouvent une multitude de caches, et qui peuvent se déplacer rapidement de bâtiments en bâtiments (à travers des murs détruits). De fait, les combattants se faufilent partout dans un bâti urbain en ruine, s’affrontent sur de courtes distances voire à bout portant. Le tir réflexe, l’utilisation de grenades et d’armes ayant de forte capacité d’arrêt sont privilégiés, mais dans un environnement où le bâti urbain - déjà dégradé et fragilisé - peut s’effondrer à tout moment sur les assiégeants comme sur les assiégés du fait des déflagrations et des détonations.

Le combat urbain met en œuvre de petits groupes humains très mobiles et très réactifs, suivis de près par des unités logistiques car les consommations en munitions et en eau sont importantes. Du coup, ces unités logistiques sont projetées au cœur même de l’affrontement. À l’échelle de la bataille, ce seront des ensembles tactiques souples de type GTIA (Groupement Tactique Interarmes) qui seront privilégiés à des unités plus lourdes.

Des acteurs multiples

Last but not least, la dimension asymétrique des combats urbains contemporains ne doit pas faire oublier l’élément capital que représente la présence de populations civiles dans les villes au moment de l’affrontement. Si les Américains ont précédé l’assaut sur Falloujah d’une véritable opération d’information et d’évacuation (largages de tracts, messages radiophoniques, création de corridors d’évacuation), les batailles urbaines ont été majoritairement des hécatombes pour les populations civiles, victimes à la fois des combats directs mais surtout de privations diverses (alimentation, eau, soins…).

La présence de civils sur le champ de bataille urbain présente un intérêt tactique évident pour qui voudrait affronter un adversaire disposant de la puissance de l’artillerie et celle de l’aviation. La population servira de « bouclier humain ». Elle permettra à des combattants sans uniformes de se dissimuler pour approcher ou s’exfiltrer. Inversement, les civils constituent un enjeu stratégique – car médiatique – pour toute coalition occidentale qui ne pourra se permettre de frapper de manière aveugle des personnes sans uniformes, impossibles à distinguer des combattants ennemis. Médias et organisations humanitaires sont aussi présentes et la diffusion d’images de cadavres de femmes et d’enfants, d’hôpitaux débordés par l’afflux de corps ensanglantés ou déchiquetés, serait de nature à retourner les opinions publiques occidentales contre la guerre menée.

Le combat en milieu urbain ne s’improvise donc pas, et la maîtrise de la communication sur un champ de bataille chaotique par définition l’illustre en soi. En 2004, nous avions vu les efforts des Américains pour soustraire la population de Falloujah à l’offensive qu’ils préparaient. Avec le début de la bataille, l’un des premiers objectifs pour les US Marines fut la prise et le contrôle de l’hôpital afin, notamment, de le soustraire à l’attention des médias.

Apprendre à combattre en milieu urbain

D’un point de vue tactique, le combat urbain implique des savoir-faire opérationnels spécifiques : la progression d’un groupe de combat comme la protection mutuelle au sein de ce même groupe ne se fera pas de la même manière que dans un espace plus ouvert. Investir un bâtiment, un immeuble, une maison ; forcer une porte ; grimper un escalier ; accéder à un étage de l’extérieur ; contourner un bloc ; contrôler les toits ; utiliser un drone ; guider une frappe de jour comme de nuit : de nos jours les armées occidentales s’entraînent directement à ce type de combat à partir d’infrastructures reproduisant le plus fidèlement possible les environnements urbains.

La France a, dans ce domaine, été particulièrement innovante avec la construction en 2004 du Centre d’Entraînement aux Actions en Zone Urbaine (CENZUB) armé par le 94e Régiment d’Infanterie (camp de Sissonne). Cette unité met en œuvre une compagnie interarmes appelée FORAD, particulièrement entraînée à jouer le rôle d’une Force Adverse notamment en milieu urbain. N’ayant plus rien à voir avec les « plastrons » d’autrefois, qui devaient jouer le rôle de cibles pour les unités, les hommes de la FORAD manoeuvrent et combattent comme le feraient des ennemis.

Confronté à une guerre urbaine asymétrique permanente dans la bande de Gaza, Israël a également pris conscience de la nécessité de former systématiquement ses unités à ce type d’affrontement. En 2006 était ainsi construit, dans le désert du Néguev, le centre d’entraînement de Tse’elim qui reproduit une ville arabe. Fortes densités de population, réseau de souterrains importants, environnement hostile sans pour autant aller jusqu’à l’affrontement de haute intensité, le centre de Tse’elim est un RETEX des intifada.

Depuis 2012, la Bundeswehr construit aussi son CENZUB à Schnöggersburg-Magdeburg. Prévu pour être pleinement opérationnel en 2020, ce centre d’entraînement aux combats urbains sera équipé d’une vieille ville, d’un quartier moderne, d’une zone industrielle, d’un quartier de banlieue, de bidonvilles, d’une gare, d’un aéroport…

Dans le cadre de partenariats stratégiques, ces centres d’entraînement aux combats urbains accueillent régulièrement des unités alliées pour les entraîner : armées européennes au CENZUB, US Army à Tse’elim...

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Bibliographie

  1. BOULANGER (Philippe), Géographie militaire et géostratégie. Enjeux et crises du monde contemporain, Armand Colin, 2 éd. 2015, 320 p.
  2. BURGEL (Guy) et GRONDEAU (Alexandre), Géographie urbaine, Hachette, 2015, 288 p.
  3. CHALINE (Claude) et DUBOIS-MAURY (Jocelyne), Les risques urbains, Armand Colin, 2e éd. 2004, 208 p.
  4. CHAMAUD (Frédéric) et SANTONI (Pierre), L’ultime champ de bataille. Combattre et vaincre en ville, Éditions Pierre de Taillac, Paris, 2016, 230 p.
  5. GOYA (Michel), « Les fantômes furieux de Falloujah. Opération Al-Fajr/Phantom Fury (juillet-novembre 2004) », in Les Cahiers du RETEX, 2006, 118 p.


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