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Le débarquement allié en Normandie (1944)
Article mis en ligne le 16 mai 2017
dernière modification le 1er juin 2021

par Nghia NGUYEN

 

Des priorités stratégiques divergentes

1944. La guerre embrase le monde depuis cinq années, mais les années 1942 et 1943 ont vu les Alliés remporter des victoires stratégiques décisives. Désormais, les puissances de l’Axe sont sur la défensive que ce soit en Europe ou en Asie. Américains, Britanniques et Soviétiques restent cependant divisés sur la manière de poursuivre la guerre, notamment à l’endroit de la libération du continent européen. À la stratégie périphérique d’un Winston S. CHURCHILL (1874-1965) - qui désire atteindre le Reich par la Méditerranée et le sud -, Franklin D. ROOSEVELT (1882-1945) préfère une stratégie plus directe à travers l’Europe du nord-ouest. Quant à Joseph STALINE (1878-1953), il demande avec insistance l’ouverture d’un second front qui soulagerait l’URSS de l’effort de guerre surhumain soutenu depuis 1941.

C’est au cours des grandes conférences interalliées de l’année 1943, que la décision est finalement prise de frapper par l’Europe du nord-ouest : un débarquement de vive force en Normandie, suivie d’une puissante offensive devant permettre de libérer la France, et d’atteindre le coeur de l’Allemagne. C’est la doctrine stratégique américaine qui l’emporte, donc, à savoir livrer une bataille frontale et décisive destinée à anéantir la Wehrmacht.

 

GI’s dans le sud de l’Angleterre en juin 1944 (source - US national archives)

 

Supériorité matérielle et expérience cumulative

Au-delà de la décision politique, ce qui allait devenir l’opération Overlord fut durant des années une accumulation de rapports d’experts, d’études stratégiques et techniques en tout genre, de plans constamment vus et revus. Décider d’un débarquement en Europe était une chose, le réaliser en était une autre même pour l’US Army qui, en 1939, ne disposait que de 175 000 hommes dans ses rangs. La plupart des matériels étaient alors déclassés, et généraux comme soldats américains avaient encore tout à apprendre de la guerre. Dans ces remarques générales se trouve l’importance des années 1941-1943 où, sous les coups des armées allemandes et japonaises, les États-Unis chancellent mais ne fléchissent pas. Alors que le Victory program se met rapidement en place, permettant non seulement à l’US Army de s’équiper, mais aussi de soutenir l’allié britannique et soviétique, les États-Unis organisent une mobilisation économique et militaire sans précédent (1).

À cette mobilisation vient aussi s’ajouter l’apprentissage de la guerre à partir de 1942. Inexpérimentés et bousculés lors des premières batailles, les soldats américains apprennent vite. Très rapidement, la guerre vue de l’Amérique va dégager trois données essentielles : l’importance du soutien aérien et de la maîtrise du ciel qu’il suppose, le contrôle des mers et des océans, et l’organisation logistique d’abord navale puis terrestre. La supériorité américaine dans ce domaine est manifeste, et ne cesse de se renforcer depuis le début du conflit. La logistique - au sens économique comme industriel avant d’être militaire - devient une véritable spécialité, une donnée d’entrée à toute planification. C’est une différence fondamentale avec les autres armées. Les Blitzkrieg allemande et japonaise montrent une conception de la guerre inverse, à savoir l’incapacité de mobiliser sur la durée une véritable économie de guerre. D’où la conception d’offensives aussi brutales que limitées dans le temps, dont l’horizon ne peut être que celui d’une guerre courte.

 

Un port du sud de l’Angleterre en juin 1944 (source - US national archives)

 

À la veille de l’opération Overlord les Alliés ont donc beaucoup appris des premières années du conflit, et ils l’emportent d’emblée dans bien des domaines sur les Allemands. Les échanges sont nombreux entre Américains et Britanniques et à l’expérience des premiers dans le Pacifique s’ajoute celui de raids contre le Mur de l’Atlantique de la part des seconds. S’il a été un désastre, le débarquement de Dieppe, par exemple, a permis une moisson inestimable d’expériences pour la mise sur pied d’opérations aéroterrestres et amphibies futures (2). Quant aux Américains, la nature géographique du théâtre d’opération Pacifique, les amène à développer des savoir-faire interarmées et interarmes que l’on ne retrouve dans aucune autre armée en 1944.

Autres avantages décisifs : la menace sous-marine allemande n’est plus ce qu’elle était au début de la guerre. L’année 1943 a été le tournant de la guerre sous-marine dans l’Atlantique, et les U-Boats y ont subi une défaite décisive. En 1944, la colonne vertébrale de la Kriegsmarine est brisée. La Marine de guerre du Reich n’est plus en mesure de s’opposer significativement aux armadas alliées qui se concentrent désormais dans les îles britanniques. Il en est de même pour la Luftwaffe, qui joue sa survie dans le ciel du Reich et sur le Front Est. Non seulement le débarquement pourra s’opérer dans un ciel vide d’avions allemands, mais il en sera également ainsi durant la bataille de Normandie qui s’ensuivra. Les conséquences de cette absence sur la résistance allemande au sol seront décisives.

 

Péniches de débarquement dans un port du sud de l’Angleterre. Les soldats américains qui y sont embarqués sont au départ pour Omaha beach (source - US national archives)

 

Le D-Day

Le mardi 6 juin 1944, les choses n’étaient pourtant pas jouées d’avance, loin de là. Avec les conditions météorologiques de ce début de mois de juin – mais aussi avec de meilleures intuitions - les Allemands auraient très bien pu tenir en échec Overlord. Certes, la supériorité matérielle des Alliés est incontestable, et pour l’avoir combattue en Afrique du Nord le Maréchal Erwin ROMMEL (1891-1944), commandant du Groupe d’armées B (3), sait que ce sont dans les premières heures du débarquement - sur les plages non dans les terres - que la bataille sera d’emblée gagnée ou perdue. Dans cette perspective stratégique, ROMMEL fait miner des plages entières, multiplie les obstacles aux engins de débarquement, fait noyer des secteurs entiers…

Les craintes du maréchal le plus populaire du Reich sont justifiées. L’Angleterre, où se concentrent troupes et matériels, est un gigantesque camp militaire au printemps 1944. À la veille du débarquement, 750 000 GI’s s’y trouvent sans compter les autres forces armées (2 000 000 d’hommes au total). Cependant, les incertitudes quant aux réactions allemandes et à la météorologie – fondamentale pour opérer un débarquement aussi important -, ainsi que les défis techniques sont immenses (4). Plus le nombre de bâtiments engagés est important, plus se pose la question des goulets d’étranglements que seront les plages et les ports. Les problèmes logistiques deviennent exponentiels, alors que la Manche reste démontée.

Le jour J est cependant arrêté au 6 juin. La décision a été prise par EISENHOWER au dernier moment, et les bulletins météorologiques ont joué un rôle déterminant. Dans la nuit du 5 au 6 juin, des milliers de parachutistes sont largués au-dessus de la Normandie. Leurs missions : s’emparer de points névralgiques (notamment les ponts sur l’Orne) et les tenir jusqu’à l’arrivée des troupes qui seront débarquées au petit matin. Au même moment, une flotte de 1213 bâtiments de guerre, 736 navires de soutien, 864 cargos, 126 engins de débarquement se concentre au large de l’île de Wight dans une zone dont le nom de code est « Picadilly Circus ». Elle commence à traverser la Manche emportant 156 000 hommes et 20 000 véhicules : c’est l’opération Neptune.

Cinq secteurs de débarquement ont été définis : d’est en ouest, un secteur britannique dans la région d’Ouistreham, nom de code « Sword beach » ; un secteur canadien dans la région de Saint-Aubin-sur-Mer, « Juno beach » ; un second secteur britannique dans la région d’Arromanches, « Gold beach ». Les Américains débarquent simultanément dans deux secteurs : « Omaha beach », et « Utah beach ». Entre ces deux plages, une falaise - où le commandement allié pense avoir repéré des pièces d’artillerie lourde pouvant à la fois bombarder Omaha et Utah – fera également l’objet d’un assaut en règle : la Pointe du Hoc.

 

Bombardement allemand sur la plage d’Utah beach le 6 juin (source - US national archives)

 

Si les Forces de la France libre jouent un rôle mineur dans le plus grand débarquement de l’histoire, elles n’en sont pas absentes non plus. Certes, le Général de GAULLE (1890-1970) n’est pas directement associé aux grandes décisions, mais des soldats français seront au coeur des combats du 6 juin. Ce sont les hommes du 1er Bataillon de Fusiliers Marins appelé « Commando Kieffer » du nom du Capitaine de Corvette Philippe KIEFFER (1899-1962) qui les commande. Rattachés au corps de bataille britannique qui débarque à Sword beach, ces combattants français ne sont que 178 mais ils se distinguent dans les combats pour Ouistreham. Au soir du D-Day, 25% d’entre eux sont tués ou blessés. Symbolique, la participation française n’en est pas moins efficace si l’on prend aussi en compte le rôle de la résistance intérieure qui - par ses renseignements comme ses actions armées - a pesé sur cette journée cruciale, ainsi que sur les suivantes, en entravant la marche des renforts allemands.

« Bloody Omaha »

Ce sont les secteurs américains qui sont les plus meurtriers. Si les défenses allemandes sont rapidement enfoncées côté britannique et canadien, ainsi qu’à Utah beach, le choc avec les Allemands est frontal à Omaha beach et sur la Pointe du Hoc. À Omaha, sur un front de 8 km, le débarquement commence à 6.25 du matin. D’emblée, les 8 premières compagnies américaines qui atteignent une plage sans aucun couvert sur plusieurs centaines de mètres n’ont pratiquement aucune chance. Elles sont décimées sous le feu des terribles MG 42 (5) et de l’artillerie allemande dont la présence n’avait pas été signalée initialement. Une deuxième vague d’assaut touche la plage à 7.00, une troisième à 10.30.

Les conditions de cette mise à terre sont catastrophiques. Le mauvais temps qui gêne la couverture aérienne et navale, la force des courants qui fait dériver les engins de débarquement par rapport à la plage (25% des soldats américains tués ce jour-là le sont par noyade), la quasi absence de blindés - la plupart ayant coulé dans la Manche -, la qualité des défenses allemandes, expliquent l’ampleur des pertes. La situation est très rapidement désespérée pour les soldats américains, qui vont néanmoins tenir jusqu’à la fin de l’après-midi, moment où les défenses allemandes faiblissent enfin, ce qui permet les premières percées dans les fortifications littorales. Au soir de la bataille, la pénétration à l’intérieur des terres au-delà d’Omaha beach n’est que de 2 kilomètres au lieu des 8 prévus. Les objectifs ne sont pas atteints. Ce sont les progrès réalisés dans les autres secteurs de débarquement qui obligent les Allemands à relâcher leur pression et à reculer.

À Omaha, les pertes furent 15 fois plus élevées qu’à Utah beach pourtant située à proximité. Sur les 10 300 hommes que perdirent les Alliés ce jour-là, entre 3 et 4000 furent tués dont plus de 1000 GI’s sur la seule plage d’Omaha. Pour ces soldats, la France ce ne fut que quelques dizaines de mètres de plage, guère plus. Avec la Pointe du Hoc et le village de Sainte-Mère-l’Église - où Rangers et parachutistes subirent également de très lourdes pertes -, Omaha beach reste encore aujourd’hui le symbole du courage et du sacrifice américain pour la libération de la France et de l’Europe.

 

Rangers américains sur le point d’aborder Omaha beach (source - US national archives)

Insignes des trois grandes unités américaines qui participèrent à l’assaut sur Omaha beach et la Pointe du Hoc le 6 juin 1944. De haut en bas : la 1re Division d’Infanterie (Big Red one), la 29e Division d’Infanterie (Blue and Grey), et le 5e Bataillon de Rangers

 

Le D-Day : une victoire suivie d’une bataille meurtrière

Au soir du 6 juin, la bataille sur les plages est cependant gagnée. Protégées par une puissante artillerie de marine, les têtes de pont planifiées par le commandement allié sont en place, et ne demandent qu’à s’élargir et à se consolider. Deux ports artificiels - Mulberry A (American) et Mulberry B (British) - sont amenés par caissons flottants Phénix et assemblés afin de pourvoir rapidement au ravitaillement matériel du corps expéditionnaire allié. Construit devant Omaha beach, Mulberry A sera cependant détruit et rendu inutilisable lors d’une violente tempête qui survient le 19 juin. Seul Mulberry B, construit au large d’Arromanches-les-Bains, devait finalement remplir son rôle. Un rôle pourtant secondaire en dépit de l’exploit d’ingénierie et d’intelligence logistique que la conception de tels ports a pu représenter (6). La consolidation des têtes de pont sera, cependant et surtout, rendue possible grâce aux lenteurs allemandes qu’expliquent la maîtrise alliée du ciel, les sabotages de la Résistance française mais, aussi et surtout, la mauvaise perception qu’Adolf HITLER a de l’événement dès les premières 24.00 de l’opération alliée. En ce sens, l’entreprise de désinformation à l’œuvre depuis plusieurs mois pour tromper les Allemands sur le lieu du débarquement (opération Fortitude) peut être considérée comme un succès.

Les erreurs allemandes ne doivent pourtant pas occulter la féroce résistance de la Wehrmacht dans l’arrière-pays, ce jusqu’au mois d’août. Que ce soit dans le bocage ou la plaine de Caen, l’Armée allemande va livrer une bataille défensive meurtrière durant de longues semaines. Alors que les secteurs de débarquement britanniques (Sword) et canadien (Juno) ne sont situés seulement qu’à une quinzaine de kilomètres de Caen, ce n’est que le 20 juillet que les Anglo-canadiens parviennent à libérer totalement cette ville principale. Le Maréchal Bernard L. MONTGOMERY (1887-1976) qui commande la composante terrestre des forces d’invasion, avait pourtant planifié la prise de Caen le 6 juin même au soir. Le kilomètre a donc été très chèrement payé par les soldats alliés de la plage vers l’intérieur des terres. La résistance des divisions SS a été particulièrement acharnée, et les bombardements alliés systématiques (« carpet bombing ») ont aussi durement touché la population civile française.

 

Parachutistes allemands en Normandie servant une MG 42 (source - Bundesarchiv)

 

  1. De 1940 à 1945, l’armée américaine opère une brutale montée en puissance multipliant par 30 les effectifs de l’Army, par 21 ceux de la Navy, par 16 ceux de l’US Marine Corps. Le 30 juin 1945, 12 123 000 hommes et femmes servent dans les forces armées, et dans l’US Army pour 1 officier de carrière on en comptait 50 provenant de la société civile.
  2. Aux heures les plus sombres du conflit, les alliés occidentaux tentent un débarquement afin de s’emparer du port de Dieppe, le 19 août 1942. L’opération Jubilee - beaucoup plus limitée que celle du 6 juin 1944 – tourne au désastre. Britanniques, Polonais, Français ainsi qu’une cinquantaine d’Américains sont engagés. Ce sont les Canadiens qui fournissent l’essentiel du corps d’assaut, et ils perdent 25% des 5000 hommes débarqués.
  3. Le Groupe d’armées B (Heeresgruppe B) désigne un ensemble d’unités de la Wehrmacht placé sous le commandement du Maréchal ROMMEL à la fin de l’année 1943. D’abord créé en Italie, il est ensuite déplacé dans le nord de la France en prévision d’un débarquement allié. C’est le Groupe d’armées B qui assure la garde du Mur de l’Atlantique lorsque l’opération Overlord est lancée. Anéanti en partie durant la bataille de Normandie, il se replie vers les Pays-Bas où sa reconstitution est entravée par l’opération Market Garden. Engagé dans les Ardennes lors de la dernière grande offensive allemande à l’Ouest (opération Herbstnebel), ses débris sont encerclés dans la Ruhr par les Américains. Le Maréchal Günther von KLUGE (1882-1944) succède à ROMMEL à la tête du Groupe d’armées B en juillet 1944 avant de se suicider. Le Maréchal Walter MODEL (1891-1945) reprend le commandement jusqu’au 21 avril 1945, date à laquelle il se suicide également.
  4. Ainsi l’acheminement des blindés par voie sous-marine, l’acheminement du carburant sur les plages et au-delà, la construction des ports artificiels Mulberry A et Mulberry B.
  5. La Maschinengewehr 42 dite MG 42 est une mitrailleuse allemande dérivée de la MG 34 de fabrication plus complexe et plus onéreuse. D’un calibre de 7,92 x 57 mm, la MG 42 fut introduite en 1942. Arme collective nécessitant 2 ou 3 servants, elle fut d’emblée très appréciée par les combattants allemands pour sa polyvalence et, surtout, sa grande cadence de tir. Avec 1200 coups/mn, et un système efficace de remplacement du canon en quelques secondes seulement, la MG 42 – qu’elle fut portée ou montée sur des véhicules blindés - fut le cauchemar de l’infanterie alliée. L’arme est toujours en service de nos jours sous l’appellation MG 3 sous le calibre 7,62 x 51 mm OTAN.
  6. Moins de 50% du ravitaillement britannique passa par Mulberry B sur l’ensemble de la campagne de Normandie. Quant aux Américains, ils se débrouillèrent (avec succès) sans Mulberry A…

Situé sur le territoire des communes de Colleville et de Saint-Laurent-sur-Mer, le cimetière militaire américain de la bataille de Normandie a été érigé en front de mer en arrière de la plage d’Omaha beach

__________

Ressources

The longest day (Maurice JARRE)
Bande originale du film « Le jour le plus long » (1962)

Omaha beach (John WILLIAMS)
Bande originale du film « Il faut sauver le soldat Ryan » (1998)


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