La cyberguerre : un état de guerre permanent

Défini comme un nouveau champ de conflictualité, le cyberespace est le lieu (1) d’une agression permanente à l’encontre des individus, des entreprises, des organisations et des États. Ces derniers, à la fois acteurs et cibles, sont de nos jours engagés dans une cyberguerre dont les caractéristiques sont : l’hybridation des acteurs, l’absence de frontières, un engagement sur l’ensemble du territoire à travers tous les réseaux informatiques existants, la quasi impossibilité de tracer la provenance des cyberattaques et la permanence de cette hostilité qui rompt avec le cycle paix/guerre/paix. Au même titre que la Défense d’une manière générale, la cyberdéfense est une posture permanente. Cependant, sa spécificité est qu’elle s’inscrit dans un état de guerre permanent qui ne dit pas son nom.

Le défi de l’informatique quantique

La prise de conscience au sein des armées n’est pas nouvelle, et tous les grands exercices interarmées actuels comportent désormais un volet cyber. Cependant, ce qui inquiète particulièrement au sommet des États et dans les états-majors ce sont les progrès technologiques réalisés en matière de physique et d’informatique quantiques. La première représente un seuil de rupture par rapport à la physique classique qui devrait révolutionner la deuxième à l’horizon des années 2030 c’est-à-dire tout à l’heure.

Difficile à saisir au-delà du cercle des scientifiques et de ses spécialistes, la physique quantique se présente comme un domaine fondé sur des propriétés d’intrication et de superposition des particules qui ouvre des horizons technologiques complètement nouveaux. Elle nous amène au seuil d’une véritable révolution scientifique dont les capacités exponentielles auront des effets d’entraînement que l’on peine encore à imaginer. Ainsi, en matière informatique, les ordinateurs quantiques seront capables de réaliser en quelques secondes des calculs qui prendraient des siècles pour les calculateurs actuels. Les capacités de calcul seront donc révolutionnées avec tout ce que cela pourra induire, notamment une rupture décisive en matière d’intelligence artificielle et l’avènement d’une IA forte… Dans un avenir proche, et plus concrètement, la cyberguerre comme la guerre conventionnelle seront profondément transformées avec la remise en cause des communications cryptées et la mise au point de nouvelles générations de capteurs. Pour faire court, la course à l’informatique quantique redistribuera les rapports de force et celui des puissances.

Créer une culture de cyberdéfense et un vivier de cybercombattants

C’est pour anticiper cette confrontation que les États les plus en avance, dont la France, se sont dotés ces dernières années de doctrines et de commandements cybernétiques. Si les enjeux de la cyberguerre sont désormais bien compris au plus haut niveau, la question des ressources humaines pour mener ce type de conflit (en défense comme en attaque) ainsi que la diffusion d’une véritable culture de cyberdéfense au sein de la société demeurent insuffisantes. Certes, il existe au sein des armées une réserve cyberdéfense qui participe régulièrement à des exercices, et le Lycée militaire de Saint-Cyr-l’École a ouvert un BTS système numérique informatique et réseau/option cyberdéfense en 2017. Cela n’est cependant pas suffisant.

Dernière initiative en date afin d’amorcer la création d’un vivier en la matière, celle lancée par le COMCYBER lui-même. Du 3 au 28 avril 2023, lycéens (à partir du niveau de 2^nde) et étudiants en BTS seront invités à participer à un challenge Capture the flag « Passe ton Hack d’abord ». Se présentant comme un jeu organisé autour de quinze épreuves, cette initiative originale a pour objectif d’initier des lycéens et des étudiants à la sécurité informatique (programmation, réseau, sténographie, cryptographie) et, qui sait, de déclencher des vocations. Pour cette première édition, Passe ton Hack d’abord ne concernera que les académies franciliennes (Paris, Versailles, Créteil) dont les trinômes seront les chevilles ouvrières en partenariat avec le COMCYBER. Espérons que les prochaines éditions s’élargiront très rapidement à l’ensemble des académies.

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1. Cf. Le Journal de la Défense de juin 2022. Le cyberespace constitue un lieu virtuel qui s’appuie cependant sur une infrastructure matérielle et tangible (fermes de serveurs, câbles sous-marins...). Cette dernière peut également constituer une cible militaire.