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Éducation à la Défense et à la Sécurité nationale
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Le confinement
Article mis en ligne le 6 avril 2020
dernière modification le 4 mai 2021

par Nghia NGUYEN

L’actualité du confinement

Le confinement est la posture de protection d’une personne ou d’un groupe qui s’enferme dans un lieu clos face à un risque. Partie de Chine en décembre 2019, la pandémie de la COVID-19 a provoqué une crise sanitaire exceptionnelle faisant entrer cette notion de confinement dans le quotidien de milliards de personnes. À la fin du mois de mars 2020, 50% de l’Humanité faisaient déjà l’objet d’un confinement afin d’enrayer la progression fulgurante du virus.

En France, la COVID-19 a plongé la plus grande partie de la population dans la réalité d’un confinement de longue durée en deux étapes. La première a d’abord consisté à renvoyer chez eux les écoliers, les collégiens, les lycéens et, avec eux, les professeurs et une partie des administrations des établissements scolaires. Cette première étape, effective dès le vendredi 13 au soir dans beaucoup d’établissements, a concerné près de 13 millions de personnes. Elle a été suivi le lundi 16 mars, au soir, d’un confinement cette fois étendu à l’ensemble de la communauté nationale.

Cette mesure de bon sens face à une contagiosité exceptionnelle - quoique tardive et d’autant plus tardive qu’il n’y avait alors aucun stock stratégique de masques – suscita des réactions irrationnelles : réflexe migratoire de plus d’un million de Parisiens/Franciliens « redécouvrant » la province et participant à une plus grande diffusion de la maladie sur le territoire ; refus de certains quartiers communautaires de se confiner (1) ; refus de beaucoup de renoncer à leurs déplacements habituels…

Qui dit enfermement dit isolement et si certains individus peuvent s’en accommoder, la posture - a fortiori lorsque le confinement est massif, exceptionnel et d’assez longue durée - n’est pas une situation naturelle pour une population entière. Elle fait appel à une culture de défense collective et à un sens civique. La première permettant la compréhension de la situation par les personnes afin de permettre la projection de ces dernières dans le second ; ceci dans des enjeux les dépassant et concernant désormais la communauté nationale. Le durcissement du confinement avec la fermeture de nombreux lieux de promenades, des milliers de verbalisations pour des déplacements injustifiés, de multiples tensions entre policiers et jeunes des quartiers gangrénés par la drogue et la délinquance sur l’ensemble du territoire, l’instauration de couvre-feux en certains endroits, témoignent qu’à défaut d’une totale absence, culture de défense et sens civique n’ont pas un caractère évident auprès d’une partie de la population.

 

Le confinement est venu contrarier le narco-trafic qui gangrène de nombreux quartiers des villes françaises. Opération de police dans la Cité des Oliviers (Marseille) le mercredi 25 mars 2020 (source - AFP).

 

L’apprentissage du confinement à l’École

Pourtant la notion de confinement est apprise dès l’École et devrait, en théorie, être comprise du plus grand nombre. Chaque année, de l’école primaire au lycée, ont lieu des exercices de confinement devant entraîner aux réactions face aux risques majeurs : catastrophes naturelles (tempêtes, inondations), accidents industriels (usines Seveso, centrales nucléaires), incendies, accidents de grande ampleur (déraillement de train ou crash d’avion en zone urbaine)… Chaque établissement scolaire fait ainsi l’objet d’un dispositif réglementaire précisant les opérateurs et les conduites à tenir face à ces risques : c’est le Plan Particulier de Mise en Sûreté (PPMS).

Certes, il s’agit de situations de confinement différentes dans la mesure où elles ne sont pas appelées à durer de manière permanente comme c’est le cas avec l’actuelle crise sanitaire. Dans la réalité d’un accident, elles pourraient cependant s’imposer sur plusieurs heures, voire sur 24.00, alors que les exercices du PPMS ne durent dans les faits que quelques minutes. Se pose donc la question de l’efficacité de ces derniers pour faire comprendre aux élèves ce qu’est un confinement de crise, non qu’il faille les retenir durant des heures mais au moins leur donner une sensibilisation et une formation en amont (ainsi qu’aux enseignants et aux personnels administratifs) qui, aujourd’hui, n’existe pas réellement : vérifier la connaissance des conduites à tenir ; identifier en permanence les acteurs majeurs en cas de crise ; localiser les lieux de rassemblement et de confinement ; augmenter le réalisme de certaines procédures…

Insister surtout sur les enjeux de tels exercices et la discipline collective qu’ils réclament, ce qui est encore loin d’être acquis. Le fait que des élèves se permettent, dans nombre d’établissements, de jouer avec les systèmes d’alarme afin d’interrompre les cours ou de s’amuser à percuter les extincteurs, illustre l’inefficacité des exercices de sécurité du PPMS tels qu’ils sont aujourd’hui pratiqués. Ceux-ci devraient être intégrés dans une véritable Éducation à la Défense et à la sécurité avec, en amont, un volet nécessairement théorique s’appuyant sur un exercice pratique de confinement d’au moins une heure. Cet exercice, au lieu d’être joué de manière purement formelle, administrative et réglementaire, devrait être déployé sur le mode d’une simulation interactive en intégrant, par exemple, des ateliers de blessés ou de personnes en détresse, des colonnes d’évacuation, des vérifications par classe des gestes de premiers secours…

L’exercice attentat-intrusion armée du PPMS pose également la possibilité d’un confinement qui sera, cependant, davantage un retranchement/barricade qu’un confinement classique. Un groupe sera, ici, obligé de s’enfermer dans une salle qu’il barricadera au mieux (blocage renforcé des accès). Dans une situation réelle, cette attente pourrait durer de longues heures dans un silence imposé et une situation de tension bien plus forte que dans la situation d’un accident industriel ou d’une tempête. En effet, si la présence hostile venait à forcer l’accès de la salle pour y pénétrer, on ne serait plus dans une situation de confinement mais dans celle d’une réaction proactive face à une menace mortelle directe. Ce scénario pose la question d’un confinement de menace et non plus de risque.

Le confinement ou la conscience d’un devoir commun

L’École peut donc – et doit plus que jamais – enseigner et entraîner au confinement pour peu qu’elle veuille s’en préoccuper autrement que de manière formelle (donc vide de sens). C’est cependant dans les forces armées que nous pourrons trouver les situations d’entraînement les plus efficaces, ainsi que les retours d’expérience (RETEX) et témoignages pouvant le mieux nous instruire sur le confinement et ce qu’il implique humainement sur les groupes. La vie d’équipage dans un engin de guerre est en soi un confinement, que ce soit dans un char de combat en situation tactique ou dans un bâtiment de guerre.

 

Exercice SECUREX à bord du SNLE Le Téméraire. Dans ce type d’exercice régulièrement effectué à bord des bâtiments de la Marine nationale, on observera un double confinement : celui de l’équipage à bord du bâtiment mais aussi celui de chaque marin, isolé par son équipement de protection (source - Marine nationale).

 

Dans un témoignage contemporain à la crise sanitaire, le Capitaine de vaisseau Nicolas LAMBROPOULOS, sous-marinier, décrit les caractéristiques du confinement à bord d’un sous-marin, et pas n’importe lequel puisqu’il fut commandant du SNLE Le Terrible (2). Fers de lance de la dissuasion nucléaire française, les Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE) dont les routes et les positions sont tenues dans le plus grand secret, restent plusieurs mois tapis au fond des océans. Mieux que dans n’importe quelle autre spécialité militaire, les équipages des SNLE savent ce qu’est un confinement de plusieurs mois. L’essentiel de leur service s’y résume.

Dans ses propos, le Commandant LAMBROPOULOS indique ce qui rend possible un confinement d’aussi longue durée, faisant vivre en commun des individus qui ne sont pourtant pas de la même famille. Cependant, c’est au fond cette idée de famille que le confinement sous-marinier recréé à sa manière à commencer par la gestion du temps de la communauté. À l’excitation du départ (la découverte d’une situation nouvelle) succède un phénomène de plateau (l’installation de la routine et de l’ennui) pouvant engendrer un étiolement, une apathie, un repli sur soi selon des caractères et des fragilités qu’il faut savoir finement percevoir. Vivre un tel confinement exige une écoute et une attention permanente portées aux membres de son entourage afin de déceler tous signaux d’une dérive intérieure pouvant rejaillir d’une manière ou d’une autre sur le moral de l’ensemble de l’équipage.

Avec le confinement national imposé par la crise sanitaire, une augmentation sensible des violences conjugales et sur les enfants a été observée, montrant combien nos contemporains ont pu oublier l’étymologie même du mot « confinement ». Celui-ci nous vient du latin confinis signifiant « être voisin », « avoir du rapport à », « qui touche à ». Le confinement nous rappelle ainsi combien nous sommes liés à d’autres et que nous l’avons, pour beaucoup, oublié : ici ce seront des parents qui ne supporteront plus de s’occuper de leurs enfants, ailleurs ce sera un couple au bord du divorce (3)…

Si exceptionnel et anormal peut-il être dans nos vies ordinaires, le confinement ne l’est pourtant pas pour les sous-mariniers ou tout autre équipage opérationnel. Il fait redécouvrir cette vérité immuable selon laquelle nous sommes faits pour la relation, mais que cette relation doit être en permanence entretenue par un regard bienveillant à l’autre, notamment envers son subordonné de qui l’on attend la confiance afin de pouvoir réinvestir la sienne. Nous touchons, ici, la profondeur même de l’exercice du commandement militaire qui n’a rien à voir avec une quelconque tyrannie.

La signification à donner à un confinement reste, au fond, la même que celle rencontrée dans une situation communautaire ordinaire, que ce soit dans la vie de famille, à l’École ou dans celle d’une entreprise. Certes, dans la normalité l’espace et les relations restent ouverts mais savons-nous pour autant « vivre comme un peuple » ainsi que l’écrit le philosophe François-Xavier BELLAMY (4) ? Rien n’est moins sûr et ça se saurait dans un contexte social de violences quotidiennes. Pourtant, il faudra bien faire preuve à un moment donné de nos vies d’un « esprit » de quelque chose, de quelque chose qui fasse « unité », sous peine de voir se défaire une relation, voire ce qui faisait que jusqu’à présent nous faisions encore société. Le confinement dont nous parle le Commandant LAMBROPOULOS dit combien l’esprit d’équipe et de cohésion, cimenté autour d’une mission, fait tenir toute communauté y compris lors d’un confinement dur. Cet esprit de mission que l’on retrouvera de la Famille à l’Entreprise en passant par l’École, voilà ce qui donne un sens aux épreuves vécues dont le confinement fait partie.

__________

  1. Cf. Dans son point quotidien de la situation, le Directeur général de la Santé, Jérôme SALOMON, affirmait que le nombre de décès avait bondi de 63% dans le département de la Seine-Saint-Denis entre le 21 et le 27 mars. Par comparaison, sur la même période le chiffre est de +47% pour le Val-d’Oise voisin et +32% pour la capitale. Aux habituelles explications reposant sur la pauvreté et la précarité des populations de ce département, nul doute que le non-respect du confinement dans les cités a pour sa part d’explication, notamment dans le quartier des Francs-Moisins de Saint-Denis où - au 31 mars – des groupes refusaient encore de se confiner.
  2. Cf. BAROTTE (Nicolas), « Confinement : les bons conseils de l’ex-commandant du sous-marin nucléaire Le Terrible », in Le Figaro, 30 mars 2020.
  3. Cf. La situation de confinement sanitaire a ainsi révélé le paysage social de la difficulté de beaucoup à vivre - paradoxalement - avec leurs « proches ». Épiphénomène (et non cause) des fractures de la société, elle révèle également la grande fragilité des familles françaises contemporaines. Cf. FOURQUET (Jérôme), L’archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Le Seuil, 2019, 363 p. Partant, la crise sanitaire joue aussi le rôle d’une caisse de résonnance à l’endroit d’un « vivre-ensemble » qui ne se pose pas uniquement en termes communautaristes mais aussi en termes conjugaux et familiaux. C’est dire le non-sens d’une telle expression qui ne peut signifier qu’une chose – qui plus est en creux – à savoir la déliquescence de la Nation et de la Famille : les deux piliers de l’Esprit de défense.
  4. Cf. BELLAMY (François-Xavier), « Veillée d’armes », in Le Figaro, 14 mars 2020 et BELLAMY (François-Xavier), Demeure. Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel, Grasset, 2018, 259 p.

 

Émission Littoral, « À bord d’un sous-marin nucléaire », France 3 Bretagne du 18 mars 2019.

 

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