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La bataille aérienne de Berlin (1944)
Article mis en ligne le 19 décembre 2017
dernière modification le 3 mars 2024

par Nghia NGUYEN

La victoire par les airs ?

Le bombardement de Berlin du 6 mars 1944 n’est, en fait, que le point d’orgue d’une longue bataille aérienne engagée par les Américains et les Britanniques depuis le début de l’année 1943. À cette date, les alliés sont persuadés que des bombardements stratégiques massifs sur les infrastructures industrielles du Reich nazi (notamment sur les usines de roulements à billes, de caoutchouc et de carburant synthétiques) seront suffisants pour l’amener à une défaite décisive. Pour parvenir à un tel résultat, l’US Army Air Force (1) compte sur une force de frappe impressionnante de plusieurs centaines de bombardiers lourds Boeing B-17 Flying fortress et Consolidated B-24 Liberator. Cette offensive par les airs, nom de code « Pointblank », est lancée dans les premiers mois de l’année 1943. Les centres industriels de la Ruhr, les villes de Brême, de Hambourg sont pris pour objectifs. C’est un échec : les productions de guerre du Reich sont ralenties mais non stoppées, et le moral allemand ne fléchit pas en dépit de la violence des bombardements (2).

Le raid désastreux de Schweinfurt (août/octobre 1943)

Surtout, les Américains ont sous-estimé la Luftwaffe, qui reste encore un instrument de combat redoutable en 1943. Si les principaux appareils de combat de la Jagdwaffe (MesserschmittBF-109 et 110, Focke Wulf Fw 190) rivalisent de plus en plus difficilement face aux nouveaux chasseurs alliés, les pilotes allemands gardent un haut niveau opérationnel, et comptent parmi les meilleurs (3). Les bombardements des usines de roulements à billes de Schweinfurt, non loin de Ratisbonne, le 17 août et le 14 octobre sont catastrophiques. Dans le premier cas, 60 forteresses volantes sont abattues. Dans le second cas, 67. Les pertes se situent entre 19 et 30% pour ces deux raids, sans parler de milliers de pilotes, mitrailleurs et autres personnels navigants tués ou blessés. C’est que les bombardiers ne bénéficient d’aucune autre protection que celles (insuffisantes) de leurs mitrailleuses. Submergés par la chasse allemande, les mitrailleurs des bombardiers américains et britanniques constitueront, durant ce conflit, l’une des catégories de combattants dont les pertes seront les plus élevées (4).

 

Le Boeing B-17 Flying fortress (supra) et le Consolidated B-24 Liberator (infra) ont constitué l’épine dorsale de l’aviation de bombardement à long rayon d’action de l’USAAFdurant toute la durée du conflit

 

Nouvel objectif : détruire la chasse allemande

Ce carnage aérien va obliger les stratèges alliés à modifier les lignes de l’opération Pointblank. Tout en maintenant la pression sur les objectifs stratégiques initialement définis, un nouvel objectif est assigné à l’USAAF : débarrasser le ciel de la Jagdwaffe en la détruisant en combat mais également au sol. Les bombardiers joueront désormais le rôle d’appât, et les raids seront des provocations destinées à faire sortir la chasse allemande afin de l’épuiser et la détruire. Pour atteindre cet objectif, les Américains peuvent compter sur un nouvel appareil de chasse : le North American P-51 Mustang.

Racé, particulièrement puissant depuis qu’il est équipé du moteur britannique Rolls Royce Merlin, bien armé avec 6 mitrailleuses de 12,7 mm, le Mustang va s’imposer comme le chasseur de supériorité aérienne dont l’USAAF avait besoin pour mener ses raids stratégiques en profondeur. À ses qualités aéronautiques, le Mustang dispose d’un important rayon d’action (5), augmenté par des réservoirs auxiliaires qui commencent à équiper massivement les appareils alliés à la fin de l’année 1943. Décollant du sud de l’Angleterre, les Mustang survolent Berlin à partir de mars 1944.

Non seulement, il n’est plus question de laisser les bombardiers seuls face à la Jagdwaffe, mais l’objectif des Américains est bien de traquer et d’éliminer celle-ci du ciel d’Europe occidentale. Du 20 au 24 février 1944 débute une nouvelle campagne aérienne qui vise différentes installations industrielles aéronautique situées au coeur même du Reich (Halberstadt, Posen, Leipzig, Ratisbonne...). Il s’agit de faire d’une pierre deux coups en perturbant également la capacité industrielle de l’Allemagne à pouvoir remplacer les avions perdus au combat. Au cours de ces jours, les pertes de la 8th AF - qui engage plus de 1000 bombardiers – restent lourdes, mais la chasse allemande est épuisée par la dispersion des interventions, et par les combats meurtriers livrés contre les Republic P-47 Thunderbolt, Lockheed P-38 Lightning, et surtout les P-51 Mustang, qui escortent désormais en nombre les forteresses volantes.

Lorsque le 6 mars débute une nouvelle vague de raids - visant cette fois Berlin -, ce sont 801 chasseurs qui accompagnent 814 bombardiers. Presque un chasseur par forteresse volante ! Quand bien même, c’est une journée noire pour les équipages de ces dernières dont 69 sont abattues. Cependant, la chasse allemande perd 66 appareils contre 11 chasseurs alliés lors de la confrontation... Le scénario se répète désormais : alors que les formations de B-17 et de B-24 fixent les attaques des Messerschmitt et des Focke-Wulf, les Mustang s’abattent sur ces derniers. À chaque engagement quotidien, ce sont donc des dizaines de pilotes allemands qui ne reviennent pas. Les escadrilles de la Jagdwaffe sont décimées, et plus que la perte des appareils ce sont des pilotes bien plus précieux qui sont tués les uns après les autres. Le seuil d’attrition pour la chasse allemande est atteint durant cette campagne aérienne qui se poursuit au-dessus de la capitale du Reich jusqu’au 16 mars.

La victoire aérienne des Américains

Fin mars 1944, la Luftwaffe n’est plus en mesure de s’opposer aux vagues de bombardiers alliés, comme elle pouvait encore le faire quelques mois auparavant. Lorsque le 24 mars, les B-17 américains bombardent à nouveau Schweinfurt, 6 forteresses volantes seulement sont abattues. Plus qu’une revanche sur les raids malheureux des 17 août et 14 octobre 1943, c’est la preuve que la Jagdwaffe a perdu l’essentiel de sa capacité défensive. Sa colonne vertébrale est brisée : 56% de ses chasseurs ont été détruits, et près d’un quart de ses pilotes ont été tués ou blessés. Les raids alliés ciblent dorénavant - en plus des objectifs industriels initiaux - les aérodromes militaires, ce qui contribuent à asphyxier davantage la Luftwaffe. Celle-ci sera quasiment inexistante dans le ciel normand deux mois plus tard.

 

P-51 D Mustang

 

  1. Cf. Les forces aériennes américaines ne constituent pas une armée indépendante durant la Deuxième Guerre mondiale. Elles dépendent de l’Armée de Terre (US Army) jusqu’en 1947.
  2. Cf. Hambourg est rasée fin juillet, et 40 000 de ses habitants sont tués.
  3. Cf. Contrairement à l’aviation japonaise qui, à la même époque, a subi une saignée bien plus catastrophique. La Luftwaffe compte par ailleurs dans ses rangs les plus grands as de la guerre : Major Erich HARTMANN (352 victoires), Major Gerhard BARKHORN (301 victoires), Major Günther RALL (275 victoires), Oberleutnant Otto KITTEL (267 victoires), Major Walter NOWOTNY (258 victoires)…
  4. Cf. Avec les sous-mariniers allemands.
  5. Cf. Entre 2000 et 2600 km d’autonomie.

__________

Ressources

  • KING (Henry), Twelve O’Clock high (un homme de fer), 1949.
  • WILLIAMSON (Murray), Les guerres aériennes 1914-1945, Éditions Autrement, 2000, 223 p.

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