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La bataille de Koursk (1943)
Article mis en ligne le 25 juin 2017
dernière modification le 31 décembre 2022

par Nghia NGUYEN

  • Les plaines de Russie constituèrent des espaces idéaux pour les combats de blindés. Mieux formés initialement, les équipages allemands mirent en oeuvre des matériels optiques et des canons de meilleures qualités, qui donnaient à leurs tirs à longue portée une redoutable précision. Cependant, les Soviétiques améliorèrent sensiblement, tout au long du conflit, à la fois leurs matériels et leurs tactiques.

 

Sauver le Groupe d’armées sud et reprendre l’initiative

En lançant l’opération Citadelle, Adolf HITLER (1889-1945) tente de reprendre l’initiative stratégique après la défaite de la VIe Armée à Stalingrad. Pour le Reich nazi, la catastrophe de Stalingrad bouleverse profondément la situation stratégique. La menace d’un second encerclement - bien plus important cette fois - plane sur l’ensemble du Groupe d’armées sud, et impose une évacuation rapide du Caucase devant une progression tout aussi rapide de l’Armée rouge en plusieurs points d’un front immense. Cependant, la contre-offensive menée par le Maréchal Erich von MANSTEIN (1887-1973), en mars 1943, permet le rétablissement du front allemand. Ce faisant, cette stabilisation dessine un vaste saillant autour de la ville de Koursk, avec au nord la ville d’Orel et au sud les villes de Bielgorod et de Kharkov comme abcès de fixation.

Ce saillant profondément engagé dans le dispositif allemand - dans lequel s’accumulent rapidement de nombreuses forces soviétiques - va concentrer toutes les attentions au printemps 1943, et déclencher un gigantesque affrontement à l’été. Le commandement allemand reste cependant divisé devant la perspective d’une nouvelle offensive. Pour MANSTEIN, il faut réduire le saillant par le nord et le sud, et opérer ainsi un encerclement de plusieurs armées soviétiques. C’est une bataille de destruction de « grand style » dont il est un maître, et qu’il veut livrer afin de renverser le cours de la guerre compromis par le désastre de Stalingrad. Le Général Walter MODEL (1891-1945), l’autre grand acteur de la bataille, reste plus prudent. Devant le renforcement très sensible des défenses soviétiques, il estime qu’il est trop tard pour attaquer aussi frontalement. Le Général Heinz GUDERIAN (1888-1954), en charge de la reconstitution du potentiel blindé mécanisé de la Wehrmacht autour de matériels modernes mais encore peu nombreux, rejette le principe même de l’opération Citadelle qu’il redoute trop coûteuse matériellement. HITLER, quant à lui, hésite longuement.

Pour Joseph STALINE (1878-1953) et ses généraux - Georgi JOUKOV (1896-1974), Constantin ROKOSSOVSKI (1896-1968), Nikolaï VATOUTINE (1901-1944) - Koursk est d’abord une bataille défensive où l’objectif sera d’empêcher la réduction du saillant tout en épuisant la Wehrmacht avant de la faire reculer à nouveau. Depuis, l’opération Barbarossa et les terribles coups de boutoir allemands des années 1941/1942, les Soviétiques ont beaucoup appris. Soutenue par la mobilisation de tout un pays, l’Armée rouge s’est forgée dans le feu et le sang, faisant émerger une nouvelle génération de commandants, brutaux mais capables de mener des opérations de plus en plus complexes. Ils ont été grisés par la victoire de Stalingrad, mais la contre-offensive de Kharkov a rappelé que l’Ostheer restait encore redoutable et bien supérieure sur le plan tactique.

 

Servants d’une pièce antichar soviétique sous le feu allemand pendant la bataille de Koursk

 

Une bataille inachevée pour les Allemands

Le 5 juillet 1943, cette dernière se lance dans la bataille. Elle engage ses 20 meilleures divisions blindées, déployant pour la première fois des engins supérieurs – quoique encore insuffisamment testés - à tout ce que les Soviétiques pouvaient aligner : chars Tigre I, Panther, chasseurs de chars Ferdinand... L’infanterie allemande garde son mordant, mais elle est dorénavant plus jeune et moins expérimentée du fait d’une rapide reconstitution au lendemain des saignées des hivers 1941 et 1942.

D’emblée, un double mouvement en tenaille, l’un au nord dans le secteur d’Orel (MODEL), le deuxième au sud dans le secteur de Bielgorod (MANSTEIN), se dessine, qui tente de couper le saillant à sa base. S’attendant à cette attaque, l’Armée soviétique compense l’initiative et la supériorité technique ennemie par un net avantage numérique (1 900 000 hommes contre 900 000 côté allemand), et de gigantesques travaux défensifs dans la profondeur du champ de bataille. Des espaces immenses sont infestés de centaines de milliers de mines, 5000 km de tranchées sont creusées, des milliers de positions antichars très bien camouflées sont échelonnées sur des dizaines de kilomètres. Tout est fait pour ralentir la progression de l’infanterie ennemie au prix le plus fort, d’entraver la percée blindée ennemie prévisible au sud du saillant, de détruire les blindés allemands à bout portant. Au total, le système défensif soviétique s’étend sur une distance de 300 km de profondeur.

C’est, en effet, dans la partie sud du saillant - où sont concentrées les meilleures unités mécanisées allemandes (2e Panzerkorps SS) - qu’a lieu, le 12 juillet, un affrontement de blindés considéré comme l’une des plus grandes batailles de chars de l’Histoire. Des centaines d’engins (1) se canonnent dans une rencontre frontale, certains à bout portant, autour du noeud ferroviaire constitué par la petite ville de Prokhorovka. Bataille dans la bataille entre le 2e Panzerkorps SS et la 5e Armée de la Garde, le choc de Prokhorovka - pour impressionnant qu’il eut été - a été par la suite beaucoup exagéré à la fois dans les chiffres des forces en présence et ceux des pertes. Les SS sont restés maîtres du terrain, démontrant une fois de plus leur grande maîtrise du combat blindé au cours d’une mêlée où l’on estime à 270 les pertes en chars côté soviétique contre 40 du côté allemand. Dans la réalité, le Panzerkorps n’a véritablement perdu que 4 engins seulement ce jour-là, tous les autres pouvant être récupérés et réparés. L’idée selon laquelle les pertes blindées allemandes à Prokhorovka étaient de l’ordre d’une hémorragie affolant HITLER relève de la propagande soviétique. En fait, la bataille produisit un rapport de pertes de 6/7 contre 1 en faveur des équipages SS. Engagés dans la précipitation, sans reconnaissance préalable du terrain, les T-34 de la 5e Armée de la Garde furent arrêtés de manière inattendue devant les canons allemands par un fossé antichar... soviétique. Prokhorovka fut un carnage pour les blindés du Général Pavel ROTMISTROV (1901-1982), mais ce succès tactique resta sans lendemain avec l’arrêt de l’offensive allemande le lendemain même, le 13 juillet.

Selon l’historiographie classique qui s’appuyait sur les témoignages des mémorialistes allemands et le récit soviétique de la bataille, les forces allemandes sont arrivées au point critique de la confrontation ce 12 juillet. Pour MANSTEIN, l’Armée rouge était alors au point de rupture eu égard aux terribles pertes subies, mais HITLER, à la fois effrayé par l’ampleur des pertes matérielles et inquiété par le débarquement anglo-américain en Sicile, ordonne l’arrêt de l’opération Citadelle afin d’envoyer des unités qui y participaient en Italie. Cette thèse qui fait porter à HITLER la perte d’une opportunité ainsi que la responsabilité d’une mauvaise décision est, aujourd’hui, largement remise en cause.

Au lendemain de la bataille de Prokhorovka aucune unité allemande n’est retirée du Front Est durant deux semaines, et M. TÖPPEL situe la véritable rupture au renversement du dictateur italien. C’est, en effet, à partir du 25 juillet que la 1re Division SS Leibstandarte est retirée du front russe pour être redéployée en Italie. Que s’est-il donc passé à partir du 13 juillet, date à laquelle HITLER ordonne l’arrêt de Citadelle ?

 

  • Fers de lance de la panzerwaffe à Koursk, les chars Tigre I (supra) et Panther (infra) étaient conçus pour la bataille de rupture. Leur tube tirait des obus perforants à haute vitesse initiale à plusieurs milliers de mètres. Ils surclassaient le char moyen standard de l’Armée rouge T-34.

 

L’enlisement et la défaite stratégique

La bataille de Koursk ne dure finalement qu’une douzaine de jours sur son tempo allemand avant d’être débordée par une série d’offensives minutieusement planifiées par l’Armée rouge pour l’été 1943. Le 11 juillet débute l’opération Koutousov au nord. Visant Orel, elle attaque la 9e Armée de MODEL dans le dos au moment où la progression de celle-ci est plus que jamais entravée faute de moyens blindés suffisants. Désormais, l’offensive de la 9e Armée vers Koursk n’est plus à l’ordre du jour. MODEL doit rapidement revenir sur ses bases de départ, et un nouveau saillant se forme autour d’Orel où, cette fois, ce sont les Allemands qui sont menacés d’encerclement. Maître dans les combats défensifs, MODEL fait chèrement payer aux Soviétiques l’évacuation d’Orel. Depuis le 5 juillet, ces derniers perdent un demi million d’hommes dans ce secteur, mais Orel doit cependant être lâchée et la Werhmacht est repoussée derrière la ligne Hagen (2) à la mi-août. C’est cette perte d’initiative - qui affaiblit irrémédiablement la pince nord de l’attaque - qui rend l’opération Citadelle désormais inutile.

Alors que la 9e Armée de MODEL est prise dans de terribles combats et qu’elle ne peut plus jouer son rôle de pince au nord du saillant, HITLER perçoit - conformément aux analyses de ses services de renseignements - le lancement imminent d’une autre offensive soviétique au sud. Celle-ci démarre le 17 juillet avec pour objectif la ligne tracée par la rivière Donets et, au-delà, le bassin du Donbass. Si cette offensive est finalement parée par les Allemands, elle fixe une grande partie de leurs forces, et permet de desserrer la pression que ces dernières exerçaient encore sur le saillant de Koursk.

L’offensive sur le Donets est coûteuse pour les Soviétiques, mais elle l’est aussi pour la Werhmacht qui ne dispose pas des mêmes réserves humaines et matérielles. C’est donc le moment choisi par JOUKOV pour lancer une troisième offensive le 3 août : l’opération Rumiantsev. Celle-ci a pour objectif Bielgorod et Kharkov. Elle vient frapper un Groupe d’armées sud déjà affaibli par le prélèvement de ses meilleures unités. Les pertes soviétiques sont importantes mais les Allemands sont épuisés par six semaines de bataille acharnées et ininterrompues. Le seuil d’attrition des unités blindées et d’infanterie est atteint, obligeant MANSTEIN à se replier pendant qu’il en est encore temps sur le Dniepr.

11 juillet, 17 juillet et 3 août... Ces trois attaques dessinent, en fait, une gigantesque contre-offensive soviétique au coeur de l’été 1943, dont la bataille de Koursk n’aura finalement été qu’un aspect. Lorsque le 23 août, l’Armée rouge reprend définitivement le centre industriel de Kharkov, elle estime que la bataille qui a débuté le 5 juillet autour du saillant de Koursk est terminée. Alors que le commandement allemand avait focalisé sur le saillant, le commandement soviétique avait intégré celui-ci dans une manoeuvre stratégique plus vaste. La leçon, pourtant, avait déjà été esquissée à Stalingrad…

Durant ce gigantesque affrontement, les pertes humaines ont été importantes de part et d’autre. Si l’Armée rouge a réalisé d’incontestables progrès depuis 1941, elle reste encore déficiente sur de nombreux questions tactiques et ses pertes en hommes comme en blindés ont été effroyables. Entre 860 000 et peut-être 1,6 million d’hommes ont été perdus dans la confrontation de l’été 1943 selon les études. La Wehrmacht, quant à elle, a définitivement perdu plus de 250 000 soldats. Mais alors que la première pouvait encore compter sur des réserves importantes, la seconde ne pouvait plus remplacer ce qui venait d’être perdu et qui s’ajoutait à la saignée de Stalingrad. Les efforts et les exploits tactiques réalisés par l’armée allemande à Koursk, ne peuvent masquer le fait que l’opération Citadelle fut une défaite tactique (le saillant n’ayant pu être encerclé) au sein d’un échec stratégique plus large qui enlevait toute initiative stratégique au Reich sur le Front de l’Est.

  1. Cf. Les recherches récentes des historiens Jean LOPEZ et Roman TÖPPEL établissent le rapport de force à environ 120 chars côté allemand (dont peu de Tigre) et 500 côté soviétique (dont 350 T-34).
  2. Cf. Une ligne défensive qui ferme le saillant d’Orel à l’est de Briansk.

  • Chasseur de chars lourd, le Ferdinand fut engagé au combat pour la première fois durant la bataille de Koursk aux côtés des Tigre I et Panther. Armé d’un canon L/71 de 88 mm - plus long que celui du Tigre I -, il était conçu pour engager les blindés ennemis à de longues distances, et s’avéra effectivement efficace contre tous les chars soviétiques rencontrés. Lourd (65 tonnes), ce qui lui interdisait nombre de routes et de ponts, d’une mécanique complexe et fragile, il était également désarmé en combat rapproché avec l’infanterie ennemie. Après quelques modifications, il fut rebaptisé Jagdpanzer Elefant mais ne fut produit qu’à 90 exemplaires.

__________

Bibliographie

  • BERNARD (Nicolas), La guerre germano-soviétique 1941-1943, T. 1/2, Tallandier, 2015.
  • FELDMANN (Daniel), Le Maréchal Model. Le "pompier" de Hitler, Paris, Perrin, 2022, 414 p.
  • LOPEZ (Jean), Koursk. Les quarante jours qui ont ruiné la Wehrmacht (5 juillet-20 août 1943), Paris, Économica, 2008, 322 p.​
  • PPEL (Roman), Koursk, 1943. La plus grande bataille de la Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2018, 336 p.

Panzerlied (version Gustav KNEIP, 1964)


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