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L’opération Bagration (1944)
Article mis en ligne le 20 juin 2017
dernière modification le 28 décembre 2023

par Nghia NGUYEN

La rupture stratégique de l’été 1943

À l’été 1943, la Wehrmacht tente de reprendre l’offensive sur le Front de l’Est, mais la bataille de Koursk est un échec en dépit des moyens engagés. Pour l’Ostheer, cette défaite est une rupture stratégique car elle n’a plus les moyens d’engager de grandes offensives et ne peut désormais livrer que des batailles défensives. Certes, elle est au sommet de son art d’un point de vue tactique, et reste dangereuse en continuant à infliger des pertes élevées à l’Armée rouge. L’initiative stratégique, cependant, ne lui appartient plus, et les options qu’Adolf HITLER (1889-1945) continue d’élaborer apparaissent de plus en plus irréalistes.

Ce sont les Soviétiques qui reprennent, donc, l’initiative au lendemain de l’opération Citadelle. De l’automne 1943 au printemps 1944, au prix de très lourdes pertes humaines et matérielles, ils parviennent à repousser les forces allemandes vers l’ouest, libérant l’Ukraine, atteignant et dépassant largement en certaines parties du front le Dniepr. Mais alors que la Wehrmacht s’attend pour l’été 1944 à une nouvelle poussée vers la Pologne par le sud, c’est en fait par l’est - par la Biélorussie - que l’Armée rouge attaque le 22 juin. Offensive préparée dans le plus grand secret, menée par 4 Fronts (1) avec un rapport de force écrasant pour les Soviétiques (plus de deux millions de soldats soviétiques contre 800 000 côté allemand), l’opération Bagration surprend le Generalfeldmarschall Ernst BUSCH (1885-1945), le commandant allemand du Groupe d’armée Centre.

 

Surnommé le « tank volant » en raison de son blindage et de sa puissance de feu, le chasseur-bombardier Ilyushin IL-2 Sturmovik fut le principal soutien aérien des forces soviétiques au sol, particulièrement redouté par les Allemands

 

L’anéantissement de l’Ostheer

La date de l’offensive soviétique n’est pas neutre. Elle est celle de l’anniversaire de l’opération Barbarossa et, surtout, elle survient deux semaines après le débarquement des alliés occidentaux en Normandie. Le Reich subit deux offensives majeures dans deux directions continentales différentes. Mal renseigné et tétanisé dans son obéissance au Führer, BUSCH est d’emblée dépassé par la situation. Alors que l’État-major soviétique planifie une offensive dans la profondeur avec des moyens écrasants et un savoir-faire interarmes qui n’a plus rien à envier à celui de son adversaire, le commandant du Groupe d’armée Centre tente d’appliquer les ordres de HITLER à savoir le maintien d’une défense linéaire, arc-boutée sur des places fortes (Festungen), dans un esprit absolu de non recul. Hormis certaines unités de la Waffen SS, ainsi que quelques divisions et régiments ayant conservé un caractère d’unité d’élite, l’Ostheer – épuisée par plusieurs années de combats meurtriers - n’a plus le même mordant qu’en 1941/1942. Soldats moins nombreux, plus jeunes et moins bien entraînés, logistique plus que jamais défaillante, débris d’unités rassemblés au gré des situations dans des unités tactiques ad hoc appelées kampfgruppen… Le front allemand ne peut donc tenir, et il cède dès les premiers jours de l’opération Bagration.

Certes, les chars Tigre I, II et Panther livrent des combats remarquables à 1 contre 5 ou 6, et l’arme blindée allemande démontre, une fois de plus, la supériorité de l’entraînement de ses équipages ainsi que la qualité technique de ses matériels (optiques de tir et canons), mais la lutte est trop inégale. Elle l’est d’autant plus que sur le plan qualitatif, l’arme blindée soviétique a également beaucoup progressé. Le char de combat standard T-34 a été sensiblement modifié depuis 1943 avec une tourelle agrandie et mieux protégée, accueillant un membre d’équipage supplémentaire et un canon de 85 mm D5-T puis ZIS-53. Comme le 88 mm allemand, cet armement, à l’origine antiaérien, s’avéra être une excellente arme antichar permettant au T-34/85 d’affronter Tigre et Panther. Surtout, de nouveaux monstres d’acier – IS-2 et SU-152 - font leur apparition sur le champ de bataille. Avec eux, les blindages augmentent en épaisseur et les canons en puissance. Les canons 122 mm A-19 puis 122 mm D-25T de l’IS-2 faisaient de ce dernier une menace particulièrement dangereuse pour les chars lourds allemands. Quant à la puissance du ML 20S de 152,4 mm du SU-152 : un coup au but pouvait tuer un ou plusieurs membres d’équipage ennemi sans même percer le blindage... Seules la médiocrité des optiques soviétiques et la lenteur de rechargement de ces engins blindés donnaient encore un relatif avantage aux équipages de l’Ostheer. Face à cette supériorité terrestre de l’Armée rouge, le ciel restait quasiment vide d’avions allemands, ce qui ne pouvait qu’accélérer la désagrégation du Groupe d’armée Centre. Les bombardiers d’attaque au sol Sturmovik s’abattaient ainsi sur les colonnes allemandes, transformant toute manœuvre en carnage et annihilant la supériorité tactique de la Panzerwaffe. Le remplacement de BUSCH par le Generalfeldmarschall Walter MODEL (1891-1945) ne change fondamentalement rien à une situation déjà catastrophique. Nonobstant les talents tactiques de ce dernier, ce sont surtout les contraintes logistiques et l’épuisement des forces qui permettent l’arrêt de l’offensive soviétique et la stabilisation du front non loin à l’est de Varsovie.

 

  • Panther Ausf D en camouflage Russie été 1943. Le Panther est considéré comme l’un des meilleurs blindés de combat de la Deuxième Guerre mondiale, en dépit de sa complexité, de fragilités techniques et de mauvais choix industriels. D’une masse au combat de 45 tonnes, sa conception s’inspire de celle du T-34 soviétique qu’il devait surpasser. Son optique comme son canon KwK 42 de 75 mm L/70 permettaient des tirs antichars d’une redoutable précision à plus de 1000 mètres.

Jusqu’au 29 août, l’opération Bagration comporte trois grandes phases qui font réaliser à l’Armée rouge un bond de 600 km dans la profondeur. Cependant, dès la fin du mois de juin l’essentiel du corps de bataille allemand est déjà anéanti. Ce sont 28 divisions allemandes, parmi les meilleures, qui ont été détruites. Les trois grandes armées qui constituaient l’ossature du Groupe d’armée Centre n’existent quasiment plus. Piégée au centre dans la poche de Minsk, la capitale de la Biélorussie, la IVe Armée est anéantie à 95% au 3 juillet. La IXe Armée au sud est détruite à 80% et la IIIe Panzerarmee au nord subit le même sort à 75%. Pour donner une idée de l’ampleur du désastre, rappelons que la défaite de Stalingrad était déjà en soi une catastrophe alors qu’elle n’avait concerné que la VIe Armée.

L’offensive de Biélorussie est la pire défaite de l’histoire militaire allemande. La volonté de HITLER de ne pas céder du terrain a conduit à l’encerclement et la destruction de l’essentiel de ses forces. De juin à août, 6000 soldats allemands sont tués tous les jours sur le Front de l’Est, soit une division perdue toutes les 48.00. Avec les pertes simultanées de la bataille de Normandie - notamment dans la poche de Falaise du 12 au 21 août (105 000 tués, blessés et prisonniers) -, l’été 1944 aura été particulièrement meurtrier pour la Wehrmacht.

 

Armé d’un tube de 122 mm (ici D-25T), le IS2 (Josef Stalin) - ici modèle 1943 - est un blindé lourd conçu pour affronter les Tigre et Panther allemands

 

Une victoire soviétique décisive

Un été dont l’historiographie devait surtout mémoriser le D-Day et la Libération de la France. Pourtant, la destruction du Groupe d’armée Centre coûte humainement six fois plus que la bataille de Normandie à une Wehrmacht déjà à court de soldats. C’est une victoire soviétique majeure incontestable dont le gain stratégique contraste singulièrement avec celui obtenu par les alliés occidentaux au même moment. Du 22 juin au 29 août, l’Armée rouge réalise une percée de 600 km au-delà du Dniepr sans commune mesure avec la lenteur de l’avance alliée en Normandie. Rappelons que les Anglo-canadiens mettent près de 45 jours pour libérer la ville de Caen située seulement à une quinzaine de kilomètres des têtes de pont du 6 juin... L’Armée soviétique, quant à elle, libère la Biélorussie (partant l’ensemble de son territoire), encercle dans les États baltes le Groupe d’armée A, et pénètre profondément en Pologne. Surtout, elle brise la colonne vertébrale de l’Ostheer. Désormais, c’est la bataille pour le Reich lui-même qui se prépare.

 

Capturés lors de l’offensive en Biélorussie, 57 000 prisonniers allemands défilent le 17 juillet 1944 dans Moscou

 

  1. Pour les Soviétiques, un Front correspond à une Armée. L’offensive de l’été 1944 engage, du sud au nord, les 1er, 2e et 3e Front de Biélorussie et le 1er Front de la Baltique.

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Bibliographie

  • BERNARD (Nicolas), La guerre germano-russe. 1943-1945, T. 2, Tallandier, 2015, 576 p.
  • LOPEZ (Jean), Opération Bagration. La revanche de Staline (été 1944), Paris, Économica, 2014, 414 p.

 

 

L’Étoile d’or est, avec l’Ordre de Lénine, la plus haute distinction soviétique. Elle accompagne le titre de Héros de l’Union soviétique

 

L’Armée rouge est la plus forte

 


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